Jérôme Blanchet-Gravel >
C’était prévisible : l’année 2018 a été marquée par une succession de faux scandales qui ont révélé le vrai visage des chevaliers de la rectitude. Tous leurs grands thèmes sont apparus dans les médias, après avoir été élaborés dans les universités. Comme des poupées russes, chaque thème en contenait un autre, qui à son tour annonçait le prochain. Du racisme systémique à l’appropriation culturelle, en passant par le « privilège blanc », ils se sont montrés intraitables. Les Torquemada de l’anti-tout-ce-qui-est-occidental ont triomphé.
La petite droite qui monte, qui monte, qui monte…
Mais le retour du balancier est en cours. Non seulement la montée des droites partout dans le monde a déjà pour effet de mater les excès de la rectitude, mais cette dernière commence à douter d’elle-même. La constance de Trump aux États-Unis n’y est pas étrangère. La victoire récente de Bolsonaro au Brésil non plus, de même que la résistance culturelle de certains pays d’Europe de l’Est. Trop longtemps refoulée, l’identité refait surface. L’identité malheureuse, diront certains, sera peut-être finalement l’identité victorieuse.
Ils se sont employés à multiplier les tabous et les interdits. Ils ont surfé sur la vague de la déconstruction sans réaliser qu’ils déclencheraient un tsunami en sens inverse. Ils ont voulu assurer leur mainmise sur le langage, important des États-Unis une multitude de concepts que la population n’allait pas digérer. Ils ont décrit le monde avec des mots que le peuple ne connaissait pas, pour marquer sa distance avec lui et le faire passer pour ignorant. Ils ont décrit la France avec des mots qui niaient son universalité, pour lui dérober subtilement ce qui faisait sa grandeur. Ils ont racialisé tous les rapports sociaux au nom de l’antiracisme.
Le retour du réel
Sont devenus presque courants en France les concepts de racisme systémique, de violence symbolique et d’appropriation culturelle, autant d’outils idéologiques destinés à cadenasser le débat. Au Québec, il y a quelques années, certains ont inventé la « laïcité ouverte » pour ne prôner rien d’autre que l’absence de laïcité. Si la première fonction du langage est de nommer la réalité, force est de constater que c’est de moins en moins vrai. Pour certains intellectuels, leur tâche n’est plus de décrire le réel, mais de faire abstraction des enjeux qui préoccupent les gens ordinaires. Le peuple a toujours tort prétendent des néo-progressistes, contrairement à ce que disait Rousseau.
Comme dans le vaste monde de la sexualité, les tabous et les interdits ne produisent que des phénomènes de refoulement. Aux États-Unis, plusieurs observateurs ont déjà écrit que le phénomène Trump visait directement à rompre avec le politiquement correct. En fait, le refoulement lié aux interdits produit souvent des déviances. L’avènement de Trump est une extravagance de l’histoire venue répondre à un trop-plein. La gauche américaine en prendra-t-elle acte durant l’année qui vient ?
2019 sera conservatrice ou ne sera pas
Le Premier ministre du Canada Justin Trudeau déclarait récemment qu’il voulait faire surveiller les mouvements opposés à l’immigration. Une déclaration qui ne servira pas le jeune prince boréal en 2019. Même au Canada, un pays qui semble évoluer en marge de l’histoire, une certaine renaissance conservatrice semble prendre racine. Malgré le penchant des Canadiens pour l’humanitaire à l’eau de rose, un déclic semble avoir eu lieu au pays de l’érable. Un petit déclic, peut-être, mais qui n’est pas négligeable dans ce laboratoire de la mondialisation heureuse.