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Entretien exclusif avec Renaud Camus par Sébastien de Crèvecoeur

Sébastien de Crèvecœur >

À la lumières des tragiques événements de Nouvelle-Zélande, le nom de Renaud Camus a fait surface dans les médias québécois. Afin d’exposer au mieux sa pensée, nous republions cet entretien qu’il avait accordé à Horizon Québec Actuel et qui avait été publié le 4 novembre 2016.

Avant d’être l’homme à l’origine de l’expression « Grand Remplacement » pour lequel le grand public le connaît, Renaud Camus demeure avant tout un écrivain et un essayiste au style extrêmement riche. Celui que le philosophe Alain Finkielkraut considère comme l’un des plus grands écrivains français contemporains est l’auteur d’une œuvre foisonnante et particulièrement prolixe, allant du roman aux essais concernant tant la politique que la culture, en passant par des écrits plus « expérimentaux », et surtout son Journal, dont un volume est publié tous les ans depuis 1986. Il organise aujourd’hui des expositions d’art contemporain et des rencontres culturelles en son château de Plieux, parallèlement à son activité politique de président du parti de l’In-nocence.

Vous fûtes tout d’abord un écrivain à l’engagement politique discret mais nonobstant réel, notamment par votre participation à la vie culturelle de la cité. Ce n’est pourtant qu’en 2010 que votre engagement se manifesta de manière plus importante aux yeux du grand public avec l’emploi de l’expression « Grand Remplacement ». De quoi s’agit-il exactement ?

— Rien n’est plus simple. C’est un nom pour une période historique donnée, et pour son phénomène majeur, comme d’autres ont parlé en d’autres temps de “Grand Dérangement”. Le Grand Remplacement c’est la substitution, sur un territoire particulier, en l’occurrence la France, mais c’est désormais valable pour l’Europe occidentale dans son ensemble, et peut-être même pour le monde occidental, d’une population à une autre. Évidemment, le terme n’a aucune rigueur scientifique : il ne s’agit pas d’un concept sociologique, encore moins d’une “théorie”. La population remplacée ne disparaît pas, en tout cas pas immédiatement. Il se trouve seulement que sur des portions qui vont s’élargissant du territoire elle se fait de plus en plus rare, de moins en moins visible, tandis qu’une ou plusieurs autres sont de plus en plus en évidence à sa place. Des rues entières changent d’apparence, des quartiers, des villes, parfois des régions en leur totalité. Les photographies de classe sont méconnaissables. Des représentants de la population remplacée prennent le métro, ils s’y trouvent seuls de leur espèce et souvent de leur langue, de leur culture quotidienne, de leur mode d’être, comme s’ils étaient devenus étrangers dans leur propre pays. Ce ne sont pas seulement les visages qui changent, ce sont aussi les costumes, les mœurs, les façons d’habiter la terre et les immeubles, les relations au travail, à la citoyenneté, à l’espace sensible : tout ce qui avait été élaboré de génération en génération par un long murissement et qui, en une ou deux décennies, s’efface, se dissipe, devient caduc et presque inimaginable, comme le souvenir d’un autre univers. Le changement de peuple implique nécessairement le changement de civilisation, et il faut une conception bien basse de l’homme, ou bien vaniteuse de la nation, pour croire qu’avec des hommes et des femmes d’autres cultures, d’autres civilisations, d’autres visions du monde, on peut garder la même histoire. Si le Grand Remplacement est mené jusqu’à son terme il y aura peut-être encore une histoire de France, ou plutôt une histoire de la France, pour peu que nos successeurs veuillent bien garder le nom par paresse ou par facilité, mais ce ne sera plus l’histoire du peuple français. Comme l’écrit Chateaubriand :

« Quelque corbeau, envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois, dira, du haut d’un clocher en ruine, à des peuples étrangers, nos successeurs : “Agréez les accents d’une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours”.

« Soyez donc Bossuet, pour qu’en dernier résultat votre chef-d’œuvre survive, dans la mémoire d’un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes ! »

 

Renaud Camus milite activement contre le Grand Remplacement

 

Vous avez, au courant de l’année 2016, décidé de vous présenter à l’élection présidentielle française qui aura lieu en 2017. On se souvient qu’en 2012 vous aviez décidé de soutenir ouvertement à l’élection présidentielle la candidate Marine Le Pen pour le Front national. Pourquoi le soutien seul à un/e candidat/e proche de vos préoccupations ne vous semble-t-il plus suffisant aujourd’hui ?

Non, non, la situation est exactement la même qu’en 2012. J’avais également essayé de me présenter, alors, comme d’ailleurs en 2007, déjà. Et, bien entendu, je n’y étais pas parvenu puisque, à travers l’exigence de cinq cents signature d’élus, nécessaires à la candidature, et par le moyen du silence médiatique, le système est totalement barricadé par le pouvoir remplaciste : je veux dire par l’ensemble des forces et des partis qui veulent et qui promeuvent, par conviction idéologique ou par intérêt, par inconscience ou par stratégie électorale, le changement de peuple et de civilisation. La seule différence est que cette fois-ci ma candidature (à la candidature, donc) est un peu plus visible parce que la situation que je décris et les idées que je défends coïncident chaque jour plus étroitement, hélas, avec la réalité tragique que vit notre peuple trahi et livré.

Je soutiens Marine Le Pen en désespoir de cause et comme un pis aller, un moindre mal, quand je ne peux pas faire autrement, et pour ne pas diviser le front des patriotes. Je me dis qu’elle et le Front national seront toujours mieux que rien, et qu’ils ralentiront peut-être un peu, à défaut de l’éviter, la catastrophe de la substitution ethnique. Même de cela je suis de moins en moins sûr, malheureusement. Plus un parti s’approche du pouvoir, plus son discours se banalise, se “fadise”, se “correctise”, se fait plus consensuel, prévisible et ouvert. Or, quand un pays est envahi, quand un peuple est remplacé par un ou plusieurs autres peuples, il ne s’agit pas d’être consensuel, ni ouvert. Il s’agit de résister de toutes ses forces pour arrêter, puis pour renverser le mouvement, c’est-à-dire pour imposer la libération du territoire, la remigration. Le Front national, pour des raisons électorales, fait désormais sienne le totale fiction selon laquelle il n’y aurait en France que des Français, et il ne veut rien connaître ou savoir d’autre. Or cet adjectif ou substantif de Français ne veut strictement plus rien dire, dans la mesure où nombre de “Français” parlent d’autres Français en les désignant comme “les Français”, comme s’il s’agissait d’un peuple auquel eux-mêmes n’appartiendraient pas. Et, de fait, de plus en plus nombreux parmi ces Français-là, ces Français de papiers, sont ceux qui, malgré leurs documents de citoyenneté, ne se considèrent pas du tout comme Français, sauf, de temps en temps, pour des raisons administratives ou d’intérêt. Aujourd’hui il n’y a pas un peuple en France : il y en a au moins deux, et peut-être davantage. Il n’y a pas “les Français” : il y a les envahisseurs et les envahis, les colonisateurs et les colonisés, les conquérants et les (presque) conquis. Sous la houlette du pouvoir remplaciste il y a les remplacés, gorgés d’humiliations et d’outrages, et les remplaçants, que l’impunité dont ils jouissent a persuadés qu’ils pouvaient tout se permettre.

Marine Le Pen vient de déclarer qu’à son avis l’islam était tout à fait compatible avec la République. C’est bien ce qu’on a jamais dit de plus dur à propos de la République. L’islam est peut-être compatible avec la République, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Mais d’évidence il n’est pas compatible avec la France : sauf bien sûr s’il la conquiert et s’il en fait ce qu’il veut, comme ce semble être son projet et comme nous sommes quelques uns à la refuser de tout notre être.

 

En famille

 

Votre engagement dans la vie publique peut se caractériser par une permanence : le combat en faveur de la culture et du patrimoine français. En complément de l’expression « Grand Remplacement », vous avez parlé de « Grande Déculturation ». De quoi s’agit-il ? Pensez-vous cette Grande Déculturation mondiale ?

Ah oui, en effet, je crois la Grande Déculturation mondiale. Mais le Grand Remplacement aussi est mondial ; ou plus exactement est mondial ce que j’appelle le remplacisme, fils monstrueux de l’antiracisme à son stade sénile et de la Révolution industrielle dans sa phase encore plus tardive, post-industrielle, même, post-fordienne, post-taylorienne. Le remplacisme remplace les hommes par les hommes, les hommes par les femmes, les mères naturelles par les mères porteuses, les peuples par les peuples, le vivant par l’inanimé, l’être humain par les robots. La production de veaux dans des usines à veaux où ces pauvres bêtes ne voient jamais l’herbe ni le ciel et ne peuvent même pas se retourner, c’est-à-dire sont traités absolument comme des objets, comme des produits, c’est du remplacisme à l’état pur — d’autant que pour couronner le tout, en France, ces pauvres bêtes sont promises à la mort halal. Qu’est-ce que le low-cost, l’à bas coût, sinon du pur remplacisme également ? On remplace tout, les services, la médecine, les voyages, les produits, par son imitation bon marché, ou supposée telle, qui bientôt coûte aussi cher que ce qu’elle a remplacé et surtout devient la norme, dans le grand mouvement de prolétarisation générale qu’imposent à la fois la surpopulation, l’exigence d’égalité et celle de profits sans cesse croissants.

La Grande Déculturation est absolument indispensable au Grand Remplacement, et qui plus est au remplacisme global, dont le Grand Remplacement malgré son nom n’est qu’une petite partie. Comme j’aime à le dire, un peuple qui connaît ses classiques ne se laisse pas mener sans rechigner dans les poubelles de l’histoire. Il faut pour qu’il y consente qu’il ait été rendu hébété, hagard, et c’est ce qu’assure l’industrie de l’hébétude en ses trois branches principales, l’enseignement de l’oubli, tel que le prodigue l’École, l’imbécilisation de masse, telle que l’assurent la télévision, le sport, la musique au nouveau sens du terme et tout ce qu’il est convenu de ranger sous l’expression aporétique, ou oxymoresque, d’industrie culturelle ; et d’autre part la drogue. Ces trois branches rivales et très complémentaires de l’industrie de l’hébétude ont pour effet très perceptible non seulement la prolétarisation déjà nommée mais aussi le réensauvagement de l’espèce, sous la forme paradoxale d’une hyper-violence gnan-gnan : le terrorisme, la brutalisation fulgurante des rapports sociaux, mais en même temps les “papas”, les “mamans”, les “gamins” et les bisous…

Comme vous le savez, le Québec tente depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle de préserver sa dimension nationale spécifique de la domination britannique. Cette résistance s’est notamment manifestée par la préservation de sa culture comme de sa langue, à travers ce que le prêtre et théologien québécois Louis-Adolphe Paquet a nommé dans un célèbre sermon de 1902 « La vocation de la race française en Amérique » où il est fait mention du Québec comme le « foyer lumineux de l’Amérique française ». La langue française a une place particulièrement symbolique et essentielle dans cette résistance. Que vous inspire cette lutte ? Y voyez-vous des proximités, toutes choses étant égales par ailleurs, avec ce que vit l’ancienne mère patrie du Québec, la France ? Êtes-vous sensible à cette quête d’indépendance ?

Si vous me posez la question c’est probablement que vous en connaissez la réponse : j’y suis infiniment sensible, et cela depuis toujours. Un des points de mon programme politique, pour l’élection présidentielle actuelle, prévoit d’ailleurs un ferme soutien au désir d’indépendance du Québec, s’il s’exprime, et — toujours dans la mesure, bien entendu, où ce projet agréerait à la Belle Province —, l’établissement, ou le rétablissement, la consécration, en tout cas, de liens particuliers avec elle, aussi intenses, surtout culturellement, qu’elle pourrait le souhaiter.

Vous posez la question de la langue et vous avez raison, d’autant que toute l’histoire du Québec la pose avec vous. En France, aujourd’hui, elle se pose à deux niveaux. Extérieurement nous sommes pris entre deux feux, l’anglais d’un côté, l’arabe de l’autre : les conquérants ne se plieront pas longtemps à la nécessité de se plier à une langue qui n’a pas nécessairement plus de prestige, aujourd’hui, que celle de leurs ancêtres, et qui est parlée par de moins en moins de locuteurs dans le monde. D’autre part, et plus gravement encore, s’il y a un fort recul du français face à des langues étrangères, il y a aussi un effondrement interne de notre idiome national qui ne cesse de s’appauvrir, de se simplifier, de perdre des modes (l’impératif, le subjonctif) et des temps (le passé simple, le futur, ne parlons même pas de l’imparfait du subjonctif… ). L’effondrement syntaxique, conséquence de la Grande Déculturation et de l’écroulement du système scolaire, est un des éléments majeurs de l’hébétude qui vient : les gens se comprennent de moins en moins.

 

Icône du monde littéraire, Renaud Camus a été vouée aux gémonies par les médias remplacistes

 

Justin Trudeau a été élu Premier ministre du Canada en octobre 2015. Pour beaucoup, il est l’incarnation même de ce que l’on nomme le « multiculturalisme » mais aussi de ce que Philippe Muray appelait l’Homo festivus, tant donc dans le fond que dans la forme de son type de gouvernement. Comment percevez-vous cette figure de la politique mondiale ? Voyez-vous, en France, un équivalent ?

Ah non, par une chance bien rare, il me semble que nous avons échappé jusqu’à présent à cette humiliation-là. Nous ne manquons pas de remplacistes ravis de la crèche, certes, mais au moins ils ne sont pas Premiers ministres, ni forcément très populaires. Sans doute fallait-il une vieille société déjà multiculturelle, comme l’est par force et par histoire le Canada, contrairement au Québec, pour accoucher d’un Justin Trudeau. À moins qu’un Emmanuel Macron, peut-être… ? Macron est déjà, autant et plus qu’un Jean-Claude Juncker, une sorte d’épitomé, d’incarnation parfaite, du remplacisme global : post-racisme serein (plus encore qu’antiracisme), foi absolue en l’interchangeabilité universelle, liens étroits avec la grande banque et avec “Davos”, économisme à tout crin — on ne peut pas rêver, pour un antiremplaciste, adversaire politique et idéologique plus parfait, plus complet.

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