Le Devoir >
L’animateur Stéphan Bureau refuse de s’excuser après avoir été blâmé par l’ombudsman de Radio-Canada pour ne pas avoir fait les « vérifications nécessaires » et ne pas avoir assez « encadré » la présentation de son entrevue avec le controversé infectiologue français Didier Raoult, en mai dernier.
« Je ne m’excuserai pas d’avoir fait ce qui me semblait et me semble encore une entrevue normale, peut-être banale. Ce qui est anormal et pas banal du tout [ce sont] les proportions que l’affaire a prises. Je laisserai donc à d’autres le soin de ramper et de demander pardon », a-t-il laissé tomber vendredi matin au micro de son émission Bien entendu, sur les ondes d’ICI Première.
C’est après avoir lu les courriels d’auditeurs, comme il le fait chaque vendredi, que M. Bureau a pris le temps d’expliquer qu’il « ne respecte pas » et « ne partage pas » l’avis de l’ombudsman Pierre Champoux. « Pas pour les vilains mots qu’il a à mon endroit, précise l’animateur, mais pour le précédent qu’il pourrait établir, précédent nuisible à tous ceux qui font mon métier. »
Stéphan Bureau a critiqué le fait que « l’ombudsman estime qu’il n’a pas à se prononcer sur qui peut être ou ne pas être invité », mais vient toutefois établir avec sa décision qu’on peut inviter les « indésirables controversés », à condition de le faire « de la bonne façon ». « En substance, il aurait fallu simplement gainer l’entretien d’un appareil critique pour éviter aux auditeurs d’être laissés seuls devant ce monstre, exactement comme on le fait aujourd’hui en publiant Mein Kampf », a-t-il lâché.
Plusieurs manquements
Dans sa révision d’une plainte déposée juste après la diffusion de l’entrevue controversée le 26 mai, M. Champoux a conclu que l’entrevue de Didier Raoult menée par Stéphan Bureau avait enfreint les normes et pratiques journalistiques du service public. Il a évoqué plusieurs manquements, précisant qu’ils relèvent toutefois de la « responsabilité ultime des responsables éditoriaux de l’émission, voire de la direction d’ICI Première », et non seulement de l’animateur.
(…)
« En évitant de confronter [M. Raoult] avec plus de vigueur, Stéphan Bureau me semble avoir abdiqué sa responsabilité, en tant qu’intervieweur, tout comme les responsables éditoriaux de Bien entendu ont renoncé à la leur en omettant de prendre les moyens pour rétablir les faits, tout de suite après », a ajouté l’ombudsman dans sa décision.
L’équilibre journalistique
« J’ai invité Didier Raoult pour briser ce que je pense être le mur du silence. […] Je pense simplement que c’est une question de principe, qu’il faut arrêter de réduire la surface éditoriale au nom d’une précaution qui mettrait le public à l’abri de lui-même », s’est défendu Stéphan Bureau en ondes vendredi.
Il rappelle que « l’antenne de Radio-Canada n’a jamais, jamais fait la moindre place au discours du Dr Raoult, sinon pour le tourner en ridicule ». « Pour l’équilibre, je pense que le compte était bon », a-t-il affirmé.
(…)
« Il faut choisir, c’est équilibré ou ce ne l’est pas », a rétorqué M. Bureau.
À son avis, la décision de l’ombudsman vient plutôt démontrer « que ce n’est jamais vraiment équilibré » quand il s’agit de certains invités. « Pour certains, il faudrait des mises en garde, l’appareil critique des avertissements avant d’écouter, un panel pour expliquer peut-être les mensonges qui nous auraient échappé. Bref, oui à l’invité, mais avec un cahier des charges qui n’est pas exactement celui que l’on réserve à nos autres invités davantage fréquentables. »
Départ prévu à l’automne
Contacté par Le Devoir, Stéphan Bureau a précisé n’avoir « rien à ajouter » et qu’il considère cette affaire comme classée. Il continuera à animer Bien entendu « avec bonheur » pour le reste de l’été.
On ne retrouvera toutefois pas l’animateur cet automne à ICI Première. « J’ai demandé à mes patrons, en avril dernier, de mettre un terme à mon contrat à la fin de la saison de Bien entendu. Mon absence de l’antenne à l’automne n’aura donc strictement rien à voir avec cette affaire, rien. La direction m’a offert de nombreuses autres avenues, toutes déclinées. […] J’aurais franchement préféré quitter ma job plus discrètement », a-t-il indiqué, n’excluant pas pour autant de « nouvelles collaborations » avec le diffuseur public.
[…]