Henri Temple >
«Dieu se rit des hommes qui se plaignent des effets dont ils chérissent les causes.» Cette phrase très aristotélicienne prêtée à Bossuet, nous contraint, en effet, pour éviter la tragédie historique que l’on voit poindre, à changer radicalement de paradigmes économiques et de méthode politique. Et donc, à identifier d’urgence les causes qui ont transformé un pays riche, prestigieux, respecté, fort, calme et démocratique en poudrière. De Giscard d’Estaing à Macron, pas un seul président ni Premier ministre ne devra être exonéré de culpabilité car ils ont tous, d’une façon ou d’une autre, participé à cette chute aux enfers. Par leurs choix de politiques qui échouent depuis 45 ans et que ce jet président a simplement décidé d’accélérer radicalement et brutalement.
Ce tsunami venu du plus profond de la nation française sera irrésistible car il est tout simplement un cri de souffrance, d’angoisse, et de colère face à l’injustice. De plus il peut, à tout moment, désormais, se compliquer d’émeutes raciales ou religieuses. Que ceux qui n’avaient rien anticipé se taisent et expient leur faute. Que ceux qui sont coupables s’en aillent et soient jugés. Écoutons donc plutôt ceux qui savaient et qui n’ont pas été entendus. Avec Paul de Tarse proclamons : «La nuit est avancée, le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière.» (Romains, XIII,12)
La révolution qui commence ne se limite bien sûr pas au prix de l’énergie ou à la faillite budgétaire. Elle pose sur la place publique une question classique, récurrente, et, en définitive, assez simple en économie : d’abord, comment produire le plus et le mieux de biens et services ; ensuite, comment répartir et redistribuer cette richesse nationale.
Il est évident – sauf pour ce président – que si la production de richesses réelles est insuffisante, la répartition et la redistribution seront insuffisantes. Surtout si cette redistribution est odieusement injuste et que le reste à vivre des citoyens – même travaillant – passe peu à peu au dessous de seuils fatidiques de paupérisation. Car alors c’est la Vie qui se défend contre qui veut la tuer – de la légitime défense.
Si, de surcroît, un gouvernement, dépourvu d’intelligence, pratique l’intégrisme budgétaire, il augmentera sans cesse les prélèvements obligatoires créant une spirale mortelle : la taxe qui tue l’impôt, tue aussi l’économie, et la Vie. Si le problème français est devenu désormais aussi dramatique cela vient des graves fautes commises par les sept derniers présidents qui ont laissé délocaliser l’industrie délocalisable, et détruire l’industrie non délocalisable et l’agriculture, confrontées à une concurrence étrangère déloyale. Englués dans les traités absurdes et pervers de Lisbonne et de Marrakech, les derniers de ces sept présidents n’ont pas su ou voulu instaurer des règles de protectionnisme légitime pour suturer l’hémorragie, fut-ce par la TVA sociale ou le refus des travailleurs détachés. Ils ont laissé s’installer le désordre fiscal amoral : évasion légale et fraude massive. Ils ont souscrit à l’idée aberrante et anti-scientifique de l’euro, présenté comme une panacée pour compenser l’abandon de la préférence communautaire. Pour mieux lier les mains de la Nation ils ont accepté – au nom d’une conception fédéraliste de l’Europe – les règles liberticides qui privent le peuple français de son droit de l’homme primordial, celui de choisir lui même son avenir. Ils ont fermé les yeux sur l’émission de fausse monnaie par les banques, ce qui aboutit à constituer d’énormes bulles de «non-monnaie», dont le destin est inévitablement d’éclater avec les dégâts que l’on a pu constater en 2008.
Cela les Gilets jaunes l’ont compris sans savoir bien l’exprimer. Ils ont compris que les gens utiles, et les retraités qui l’ont été, ne peuvent plus vivre dignement, alors que les plus inutiles ou les nocifs font des fortunes écœurantes. Une inversion des valeurs. C’est cela que 80 % des Français, qui sont d’accord avec les Gilets jaunes, veulent changer. Et que le pouvoir compromis refuse de remettre en cause. Pour cette forte raison la colère des Gilets jaunes ne baissera pas et s’exprimera dans la rue ou dans les urnes.
Or, ailleurs, des changements radicaux sont en cours : Donald Trump bouleverse la donne mondiale de l’OMC avec des résultats positifs spectaculaires. Et l’Italie s’apprête à faire de même pour l’Union européenne (et l’euro ?). L’un décide de restaurer sa production industrielle et l’emploi par un fort protectionnisme et des relocalisations. L’autre décide de s’affranchir des tabous budgétaires et de commencer par s’occuper du pouvoir d’achat des plus faibles. Quitte à ce que l’absurde euro explose. L’Italie est-elle tenue par sa dette ? Quelle dette, quel créancier va lui faire la guerre ? Tenue par l’augmentation des intérêts du fait de mauvaises notations par des «agences» ? Elle ne les paiera pas car ces sommes n’existent pas : ce sont des jeux d’écritures effectués par des organismes qui n’avaient pas ces fonds…!
Les stupides et désastreux choix économiques, sociaux, monétaires, commerciaux, juridiques, financiers, migratoires qui on été faits depuis 45 ans ont conduit la France là où elle est : une insurrection, une veille de révolution. Il faudra alors tout reconstruire de la France et de l’Europe, mais pas avec les mêmes maçons.