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Le grand malaise – une analyse du premier débat des candidats à la direction du PQ

 Alexandre Cormier-Denis

Choisir entre un volontarisme naïf et une soumission béate

Le Comité national de la jeunesse du Parti Québécois (CNJPQ) a organisé le premier débat opposant les quatre candidats à la direction du Parti Québécois à l’Université de Montréal. Pour la petite histoire, rappelons que le CNJPQ, à l’époque dirigé par Léo Bureau-Blouin, avait réprimandé quelques jeunes péquistes voulant établir des liens avec le Front National en réponse à la hausse des frais scolaires pour les étudiants français au Québec.

Avant toute chose, notons la vacuité des thèmes choisis.

Le CNJPQ a décidé de centrer le débat sur le thème de la jeunesse, en présentant cette dernière comme un groupe communautaire auquel devrait s’intéresser spécifiquement les candidats. Nul problème évidemment à ce que les candidats parlent de leurs propositions pour les jeunes, mais l’approche clientéliste dans les questions posées était tellement évidente que cela en devenant gênant. Comme si les « jeunes » n’étaient centrés que sur des questions spécifiquement liées à leur condition de jeunes.

Notons également l’absence de question sur l’immigration, la laïcité et le débat identitaire, alors qu’il s’agit du clivage le plus important régnant à l’intérieur même du parti. Éviter cette question participe de la volonté de faire taire les dissensions à l’intérieur même des souverainistes et de camoufler le conflit sur ces enjeux épineux.

D’ailleurs, le consensus sur presque tous les sujets sociaux rendait la majeure partie du débat inutile. Tous promettent évidemment de réinvestir dans la santé, l’éducation, les CPE, etc. Ces questions consensuelles sans grandes importances pour les membres ne devraient pas accaparer l’essentiel d’un débat entre souverainistes.

Surtout ne pas débattre des sujets qui fâchent

Comble de la bêtise, les deux petites questions relatives à l’indépendance furent posées à la fin du débat, laissant donc croire qu’il s’agissait là d’un thème mineur. Choix idiot, car la principale opposition entre les candidats repose sur cet enjeu précis. Reléguer au dernier rang la question de la souveraineté n’est d’ailleurs pas simplement stupide. Ce phénomène démontre en fait à quel point le CNJPQ a intériorisé la critique fédéraliste du PQ en marginalisant lui-même la souveraineté au sein du débat, comme s’il s’agissait d’un enjeu honteux devant être relégué en fin de débat.

De plus, la fin de l’exercice fut carnavalesque. Tandis que l’animateur se fourvoyait dans la mise en place du mot final, le débat vira presque à l’empoignade de foire. Cette fin de débat relevant du capharnaüm, où les candidats se coupèrent mutuellement la parole sans l’intervention d’un modérateur, révèle enfin tout le malaise qui règne chez les souverainistes dans la présente course à la direction du Parti Québécois.

Entre la surenchère progressiste des uns, la démission souverainiste, le revirement pseudo-identitaire d’un autre et le volontariat aveugle de la dernière, les membres en règle du Parti Québécois font face à une des pires crises qu’a connues le parti depuis de nombreuses années. Incapable de parler concrètement du problème de fond que constitue la division du vote francophone et le tribalisme électoral des anglo-allophones, le Parti Québécois joue le jeu du politiquement correct en s’empêchant d’aborder de front la question centrale pour l’avenir du Québec, la question démographique.

Comme le remarquait Mario Dumont dès la victoire de Philippe Couillard en 2014, le PQ perd un comté par année en vertu de l’immigration de masse et du vieillissement de la population. L’urgence devrait ainsi être le maître mot du Parti Québécois, alors qu’il n’en est rien. Même Martine Ouellet qui affiche de manière décomplexée la volonté de faire du Québec un pays le plus rapidement possible semble ne pas comprendre l’enjeu démographique. Elle refuse de parler des enjeux identitaires relatifs à la laïcité.

La « boîte à idée » ne produit pas que du génie

Jean-François Lisée est le seul candidat à avoir repris le cheval de bataille identitaire laissé en plan par le départ de Bernard Drainville. Seulement voilà, M. Lisée manque totalement de crédibilité sur la question, lui qui promettait de démissionner si la Charte des valeurs n’incluait pas une clause « grand-père » évitant aux employés de l’État portant des signes religieux ostentatoires de les enlever. Rajoutons à cela la proposition de M. Lisée de participer à l’anglicisation de Montréal, sa volonté de convaincre l’électorat anglophone et son analyse confuse sur les raisons de la défaite en 1995, il apparaît comme un des hommes les moins aptes à représenter le nationalisme québécois. Son soudain virage identitaire ne semble être qu’un simple positionnement stratégique afin de rallier derrière lui le courant conservateur au sein du PQ en vue de devenir chef.

Quant à MM Saint-Pierre Plamondon et Cloutier, ils souhaitent sceller définitivement l’alliance entre le progressisme et le Parti Québécois, laissant le champ libre à la CAQ de porter toute critique du multiculturalisme canadien et de l’immigration de masse. Entre ces deux hommes, Paul St-Pierre Plamondon a au moins l’honnêteté de présenter clairement son projet de rénovation totalement de « gauche » du Parti Québécois. En matière d’élocution, de charisme et de clarté d’esprit, il dépasse d’ailleurs largement Alexandre Cloutier.

Il est si photogénique – comme un certain Premier ministre canadien

Ce dernier semble simplement surfer sur la vague des sondages sans présenter de projet clair sur la question souverainiste. Tout ce que l’on sait de son programme tient au fait qu’il défendrait une saine gestion progressiste d’un État provincial québécois. Rappelons que lors d’une interview en mars 2016 à l’émission des Francs-Tireurs, Alexandre Cloutier s’était fait poser explicitement la question du choix entre l’indépendance et le progressisme. Il avait évidemment choisi le progrès social. En fait, M. Cloutier représente peut-être ce qui se fait de pire dans la machine à perdre qu’est devenu le Parti Québécois.

Il est incroyable de remarquer que seule Martine Ouellet parle ouvertement de ce que représente le Canada et la Confédération; la soumission du peuple québécois à un État étranger qui nous emprisonne et restreint nos choix politiques. Elle seule incarne le courant volontariste et décomplexé qui permet aux souverainistes de sortir de leur léthargie politique. Seulement, voilà, ce n’est pas tout. Son manque de compréhension de l’importance des enjeux démographique et identitaire, tout comme son association médiatique à l’écologisme – à tort ou à raison – l’amène à porter une image de militante purement progressiste et social-démocrate. L’incapacité de Mme Ouellet à dépasser le clivage gauche-droite l’empêche d’incarner le renouvellement nationaliste au sein du Parti Québécois.

Bien loin d’être enthousiasmant, ce premier débat a surtout approfondi le grand malaise qui plombe le mouvement souverainiste et a souligné le degré de confusion qui règne dans nos rangs. De la première joute, remarquons à quel point le volontarisme de Mme Ouellet et la clarté de M. St-Pierre Plamondon – on peut lui reconnaître cela – détonnaient avec les postures molles des deux meneurs de la course. Entre les quatre candidats, les membres du Parti Québécois ont la lourde tâche de devoir choisir le moins pire d’entre eux.

 

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