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Longtemps, la survie du Canada français fut due à la surfécondité des Canadiennes françaises. Surfécondité à ce point marquée que l’historien anglais Arnold Toynbee aurait dit un jour: « À la fin de l’Histoire, il ne restera plus que les Chinois et les Canadiens français ». Surfécondité qui a fait craindre à Ottawa, pendant un temps, que le Québec ne devienne la province dominante de la Confédération. Surfécondité qui nous a permis de survivre comme peuple, envers et contre tout, malgré l’instrumentalisation par Ottawa des flux migratoires pour grossir les rangs du Canada anglais.
C’est le passage de l’indice synthétique de fécondité sous le seuil symbolique de remplacement des générations (2,1 enfants par femme) au début des années soixante-dix, qui a fait prendre conscience aux Québécois qu’ils ne pouvaient plus compter sur la surfécondité. Désormais, pour survivre, il leur faudrait intégrer leur juste part (90 %) d’immigrants qui s’installaient chez eux. Bref, ils devaient passer à l’offensive. Ce fut la genèse de la loi 101.
La question de l’immigration n’est pas près de disparaître. Elle structure mentalement le Canada français depuis au moins le rapport Durham. Sa résurgence dans l’actualité, après 15 ans de culpabilisation et d’instrumentalisation de la question de la part du Parti Libéral du Québec (PLQ), est une bonne nouvelle pour tous ceux qui se soucient de la pérennité du Québec français.
Il faut cependant pouvoir discuter d’immigration en évitant à la fois de la parer de toutes les vertus ou en la rendant responsable de tous les maux qui nous accablent. La CAQ avait promis de réduire « temporairement » les seuils d’immigration de 20 %. Le plan d’immigration déposé pour 2019 prévoit un objectif de 40 000 immigrants, dont un maximum de 15 000 travailleurs qualifiés sélectionnés par le Québec. Ceci représente bel et bien une coupe de 20 % environ comparativement aux seuils visés auparavant par le PLQ. Les seuils d’immigration réaugmentent cependant dès 2020 avec un volume prévu de 44 000 immigrants environ. La baisse de 20 % des seuils promis par la CAQ aura donc duré moins de deux ans.
Dans son livre Disparaître (Liber), Jacques Houle recommande de réduire les seuils d’immigration au niveau « historique », soit environ 30 000 immigrants par année. Frédéric Bastien, aspirant à la chefferie du Parti Québécois, préconise aussi un seuil de 30 000 immigrants par année. Un tel seuil permettra-t-il d’assurer la survie du Québec français ?
Il s’avère que nous connaissons déjà la réponse à cette question.
Statistique Canada, que l’on ne peut soupçonner d’alarmisme en ce qui concerne la situation du français, a en effet effectué des projections linguistiques détaillées dans une étude publiée en 2017 intitulée « Projections linguistiques pour le Canada 2011 à 2036 ». Plusieurs scénarios d’immigration furent projetés, incluant un scénario « fort » (qui correspond aux objectifs d’Ottawa, soit 350 000 immigrants par année), un scénario « faible » (175 000 immigrants, ce qui donne 31 635 immigrants par année au Québec) et un scénario « immigration zéro » (pour 2017-2036).
Le scénario « faible » correspond quasiment au volume d’immigration « optimal » qui nous est proposé par M. Houle et d’autres. Qu’est-ce que tout cela donne en 2036 ?
En 2036, au Québec, le français langue maternelle sera à 69 % pour le scénario « fort » et à 72,1 % pour le scénario « faible ». Pour le français langue d’usage, il sera à 73,6 % pour le « fort » et 75,7 % pour le « faible ». Le français recule donc moins dans le scénario « faible » que dans le scénario « fort ». Mais il recule tout de même ! Un recul qui est tellement marqué qu’on peut affirmer qu’à l’horizon 2036, on sera en présence d’un effondrement du poids des francophones au Québec, peu importe le scénario.
Qui plus est, ces projections nous apprennent également que pendant que le français va reculer au Québec, l’anglais va avancer. Si le français recule pendant que l’anglais avance, cela signifie que la vitalité de l’anglais, sa capacité à recruter de nouveaux locuteurs, va s’accroître pendant que celle du français va diminuer. Cela signifie que les transferts linguistiques des allophones vers le français, qui sont actuellement autour de 55 % (alors qu’ils devraient être autour de 90 % !), vont éventuellement décroître. Cette décroissance ira alimenter à son tour la vitalité de l’anglais, ce qui fera baisser encore plus les transferts vers le français, etc.
Le gouvernement et le patronal profitent de la situation de misère dans laquelle vivent les gens du tiers-monde pour combler la « pénurie d’emplois » qu’il y a ici, les dits emplois où il y a pénurie étant souvent mal payés et ingrats; mais évidemment les gens du tiers-monde quand ils arrivent ici sont mal placés pour les refuser.
C’est un genre d’exploitation de ces pauvres gens qui quittent leur pays pour venir ici et accomplir les jobs ingrates et mal payées dont personne ne veut pendant que la jeunesse dorée de la bourgeoisie québécoise pure laine finit par accaparer les bonnes jobs payantes.
Ça fait-y assez dur? C’est vraiment le temps de sortir nos chapelets. Il n’y a que la prière qui peut désormais faire quelque chose.
Monsieur Mathieu Bock-Côté a produit un article fort intéressant sur le sujet:
https://www.journaldemontreal.com/2019/11/22/la-penurie-de-main-doeuvre-est-une-fable-entretien-avec-jacques-houle
De dire M. Jacques Houle à M. Bock-Côté dans l’article: « …réclamer plus d’immigrants contribue à alimenter le réservoir d’immigrants forcés à accepter les emplois précaires à bas salaires que ne veulent plus les natifs ainsi que les immigrants plus anciens. »
Ça revient à ma première intervention dans le commentaire précédent: les immigrants arrivant ici sont mal placés pour refuser les jobs ingrates et mal payées dont personne ne veut. C’est cela qui devrait indigner les Québécois, l’exploitation de ces pauvres gens que l’on fait venir ici.