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Le premier ministre Justin Trudeau a révélé jeudi que l’armée canadienne était revenue en Afghanistan pour participer aux efforts d’évacuation — ce qui n’a pas apaisé les critiques au sujet de barrages routiers à l’aéroport de Kaboul et de barrages bureaucratiques à Ottawa.
Le ministère de la Défense a annoncé cette semaine que deux avions de transport C-17 avaient été déployés pour effectuer des vols réguliers au départ de Kaboul, et M. Trudeau a révélé jeudi, en campagne électorale à Victoria, que des militaires canadiens sont déjà là-bas.
« Nous allons avoir des membres des Forces armées et des Canadiens sur le sol — ils sont là présentement, il va y en avoir d’autres qui vont arriver plus tard » jeudi, a-t-il dit, en ajoutant que le gouvernement restait déterminé à sauver des centaines d’Afghans qui ont aidé le Canada.
Il s’agit d’anciens interprètes et de personnel de soutien, ainsi que leur famille, qui risquent maintenant d’être arrêtés par les talibans — ou pire encore — pour avoir travaillé avec l’armée canadienne et d’autres organisations, depuis que les islamistes radicaux ont pris le contrôle de l’Afghanistan.
Jessica Lamirande, porte-parole du ministère de la Défense, a déclaré jeudi dans un courriel que les C-17 avaient été reconfigurés pour maximiser le nombre de passagers qu’ils pouvaient transporter et qu’ils avaient commencé à entrer et sortir de Kaboul.
« Nos équipes des FAC recevront une liste d’individus contrôlés et vulnérables, et assisteront ces individus à bord des vols », a affirmé Mme Lamirande.
« On peut s’attendre à ce que ces vols aient des ressortissants étrangers et afghans qui ont été acceptés dans le cadre des programmes d’immigration d’autres pays. À leur tour, d’autres pays ont extrait et continueront d’extraire des citoyens canadiens ou des Afghans qui sont destinés (ou admissibles à l’immigration) au Canada », a-t-elle ajouté.
L’arrivée de militaires canadiens suggère que les efforts pour évacuer ces personnes pourraient maintenant s’intensifier, après des semaines de critiques acerbes de la part de vétérans canadiens et d’organismes, qui ont accusé le gouvernement d’agir trop lentement et de laisser mourir des personnes qui ont aidé le Canada.
Pourtant, des questions et des inquiétudes subsistaient quant à la manière exacte dont ces Afghans et leur famille rejoindraient l’aéroport – et ce qui se passerait ensuite s’ils avaient la chance de monter à bord.
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Les obstacles bureaucratiques
Se rendre à l’aéroport n’est qu’un des défis qui attendent les réfugiés afghans. Stephen Watt, dont l’organisation Northern Lights Canada a travaillé avec des centaines d’anciens interprètes, affirme que le prochain obstacle sera de franchir les points de contrôle militaires américains et de monter dans un avion.
M. Watt et d’autres se sont plaints pendant des semaines de la gestion de la crise par le ministère de l’Immigration. On évoque les formulaires compliqués à remplir pour les Afghans, des critères irréalistes et déroutants, et un silence complet de la part du ministère une fois les documents soumis.
L’interprète qui a parlé à La Presse canadienne a déclaré qu’il avait soumis ses documents il y a des semaines, avec l’aide de Northern Lights Canada et du groupe Afghan-Canadian Interpreters, mais qu’il n’avait pas encore reçu d’accusé de réception — et encore moins de message que lui et sa famille avaient été acceptés.
Or, sans de telles confirmations, la plupart des interprètes et leur famille ne pourront pas franchir les points de contrôle américains et monter dans un avion, explique M. Watt.
« Et à cause de toute cette situation chaotique où le Canada ne répond pas aux courriels et ne traite pas les demandes, une grande majorité des personnes à qui nous parlons n’ont pas de confirmation. Alors comment vont-ils passer à l’aéroport ? »
Selon M. Watt, certains demandeurs avaient reçu un message jeudi, en provenance de l’ambassade du Canada au Liban, disant qu’ils devaient désormais passer un test médical. D’autres anciens interprètes ont déclaré avoir besoin d’un test négatif de COVID-19 avant de pouvoir embarquer sur un vol.
M. Trudeau n’était pas au courant de cette exigence, jeudi, et le cabinet du ministre de l’Immigration, Marco Mendicino, a déclaré plus tard qu’elle avait été levée.
Les anciens combattants ont travaillé avec l’armée canadienne sur une liste consolidée d’interprètes authentifiés, et le major-général à la retraite Thompson croit que le gouvernement doit amener ces personnes et leur famille dans un avion vers un pays tiers, comme le Koweït, où leurs documents pourraient être traités. Mais les responsables de l’Immigration ont jusqu’ici refusé de se servir de cette liste.
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Cest pas juste.