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La fonction publique au Québec, une institution de moins en moins francophone? Malgré le programme nationaliste du Premier ministre Legault, l’anglais et d’autres langues y seraient de plus en plus utilisés. Une situation inquiétante? Entrevue avec Line Lamarre, présidente du Syndicat des professionnels du gouvernement québécois.
Le français, langue officielle au Québec, serait-il en danger même au sein de l’État de la province? C’est du moins l’avis de Line Lamarre, présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Dans une lettre publiée dans le quotidien Le Devoir le 18 novembre dernier, elle s’inquiète des conclusions d’un tout récent rapport sur les pratiques linguistiques dans les ministères et organismes publics. Le rapport fait état d’une situation où l’anglais, mais aussi d’autres langues, sont de plus en plus utilisés par les employés de l’État, professionnels comme non-professionnels.
«Nous avons tous été stupéfaits d’apprendre que 74% des employés de l’État à Montréal utilisent parfois une autre langue que le français dans leurs interactions orales avec des personnes physiques au Québec, une proportion qui grimpe à 81% à Laval et à 88% en Outaouais», soulignait Mme Lamarre dans les pages du Devoir.
Représentant 28.000 membres, Line Lamarre interpelle dans sa lettre le gouvernement de François Legault, qu’elle est loin de considérer comme aussi nationaliste qu’on ne le dit.
Le Premier ministre québécois répète dans la presse qu’il défend l’identité québécoise, mais ne ferait rien de concret pour protéger le français, selon elle. Une langue française qui est pourtant considérée comme le pilier de cette nation unique.
«Le gouvernement Legault ne semble pas considérer la langue française comme un élément fondamental de la culture québécoise. Ce gouvernement voit le français comme une langue utile à l’intégration des immigrants, comme un simple instrument au service de l’économie. C’est pourquoi il a transféré l’Office de la langue française au ministère de l’Immigration. […] On ne doit pas envoyer le signal que l’anglais peut être une langue à utiliser dans la fonction publique au Québec, sans quoi le français pourrait rapidement disparaître», s’est désolée Mme Lamarre à notre micro.
L’utilisation d’autres langues que le français dans les ministères et organismes publics peut nuire à un bon climat de travail, estime-t-elle. Cette réalité finirait par créer des malentendus et même certaines tensions tangibles entre employés d’État.
«Le problème n’est pas que certains employés discutent dans leurs langues de sujets personnels. C’est du travail en tant que tel dont il est question. […] Des employés francophones sont mal à l’aise de demander qu’on parle français, par crainte d’être vus comme racistes. […] Comme présidente de mon syndicat, mon rôle est aussi de défendre le droit de mes membres à évoluer dans un sain climat de travail et non dans un milieu où des conflits éclatent en raison du non-respect de la langue commune. Il y a beaucoup de réactions et d’inconfort», observe-t-elle.
Comme le montrent les conclusions du rapport, c’est surtout dans la région de Montréal que le français est en recul par rapport à l’anglais en premier lieu, mais aussi à d’autres langues. La ville de Gatineau, à l’Ouest, dotée d’une frontière commune avec la capitale fédérale Ottawa, est aussi très touchée par le phénomène.
«Comprenez-moi bien: je pense que l’immigration est une richesse. En revanche, on se retrouve, surtout à Montréal, avec des groupes d’employés provenant d’un peu partout dans le monde et qui parlent différentes langues. Pourtant, même dans cette ville, c’est le français qui doit être utilisé comme langue commune. Malheureusement, les gestionnaires sont de plus en plus réticents à l’idée de continuer à valoriser le français comme langue de travail», déplore-t-elle.
Pour reprendre le contrôle de la situation, la présidente du syndicat des professionnels du gouvernement québécois propose notamment de renforcer le statut de la langue française dans les conventions collectives.