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Colloque sur le nationalisme québécois : séparer le bon grain de l’ivraie

Alexandre Cormier-Denis >

Ce samedi  3 novembre se tenait le 11e colloque « Quelque chose comme un grand peuple » organisé par l’Institut de recherche sur le Québec (IRQ) et le Mouvement national des Québécois (MNQ) ayant pour titre Situation du nationalisme québécois après le 1er octobre : vers un nouveau contexte historique.

Débutons immédiatement en affirmant qu’il ne sort généralement pas grand chose d’intéressant de ce genre de colloque, habituellement empêtré dans le politiquement correct du mouvement souverainiste institutionnel.

Entre les postures incantatoires nous affirmant qu’il faut « reconquérir le coeur de la jeunesse » (sic) et les appels à l’unité dont la profondeur stratégique ne se résume qu’à parler d’indépendance, cet évènement aurait pu tomber dans une énième banale autocongratulation péquiste.

Ce ne fut pas le cas, principalement en raison de la qualité des participants. Enfin, pour être plus précis, de la moitié des participants au colloque, car – disons-le franchement – nous nous serions bien passés d’une grande partie des conférenciers. Les intervenants les plus décevants furent évidemment les journalistes et les politiciens.

 

Un énième colloque péquiste sauvé de l’insignifiance par des intervenants de qualité

 

Les bons éléments

Le juriste Guillaume Rousseau – qui a été défait aux dernières élections par une candidate solidaire – a semblé le plus lucide et combatif sur la situation du nationalisme actuel. Loin d’être pessimiste, il voit dans l’élection caquiste une bonne indication de l’attachement des Québécois à un nationalisme identitaire et défend la possiblité que le gouvernement Legault puisse  relancer le souverainisme québécois par la dynamique de confrontation qu’il impose à Ottawa. Il a défendu la conquête de nouveaux pouvoirs par l’État québécois en insistant sur le fait qu’il demeurait impensable de signer l’actuelle constitution canadienne.

Il a aussi brillamment associé la défaite péquiste à l’effondrement mondial des partis sociaux-démocrates en rappelant l’impopularité occidentale de tous les partis de centre-gauche. Ainsi, il faut donc plus voir la défaite péquiste comme l’échec de la social-démocratie québécoise que l’effondrement du nationalisme québécois ou encore du souverainisme.

Le professeur de droit a également brièvement parlé des stratégies possibles à utiliser pour affronter Ottawa, notamment la fameuse clause dérogatoire qui permetterait de contourner les dérives radicales du multiculturalisme canadien.  Rousseau a publié une étude sur la clause dérogatoire, prouvant la fréquence de son utilisation.

 

Guillaume Rousseau est professeur de droit à l’Université Sherbrooke

 

Charles-Philippe Courtois est un jeune professeur d’histoire malheureusement trop méconnu du public souverainiste. Il a tout d’abord rappelé que notre situation nationale était particulière en cela qu’elle était à la confluence des mondes français et britannique et que – contrairement à ce qui est généralement avancé dans l’histoire du nationalisme – le sentiment national de ces deux pays précède le XIXe siècle, généralement vu comme le siècle de l’émergence des passions nationales.

L’enracinement des Canadiens – le terme utilisé dès le XVIIe siècle – dans leur patrie précède donc largement les Rébellions patriotes et s’inscrit dans l’histoire plus longue du développement national de la France en Amérique. Mais l’historien rappelle surtout que le débat historiographique québécois opposant le nationalisme culturel au nationalisme politique relève plus d’une mauvaise interprétation que de la réalité. Le nationalisme de la Survivance a permis le nationalisme politique qui s’est lui-même nourri du premier.

Il n’y a donc pas lieu d’opposer le « mauvais » nationalisme à partir de 1840 au « bon » nationalisme émancipateur qui apparaît en 1960 comme les libéraux tentent de le faire croire. Il a insisté sur la permanence et la complémentarité de ces deux expressions de notre volonté de vivre, mais il aurait été intéressant de l’entendre plus longtemps que les petites quinze minutes qui lui furent consacrées.

Rappelons qu’il vient de publier une superbe biographie de Lionel Groulx qui mérite d’être lue par tous les nationalistes.

 

Une biographie pour comprendre l’importance politique de l’abbé Groulx

 

L’essayiste David Leroux a fait un brillant exposé sur la lassitude moribonde qui affecte l’ensemble de la société québécoise. Dans un style qui peut rappeler celui de Christian Saint-Germain, le jeune protégé de Mathieu Bock-Côté dénonce l’anesthésie politique qui nous paralyse et attaque en des termes peu amènes la paresse intellectuelle qui affecte le mouvement souverainiste actuel.

Prenant ses distances avec son mentor Bock-Côté, il appelle à la mise en place d’une « démocratie illibérale » qui semble faire référence aux propos du premier ministre hongrois Viktor Orban. Pour sortir du marasme actuel, le mouvement souverainiste devra rompre avec son bonententisme et entrer dans le realpolitik afin d’assumer que la lutte pour la création d’un État souverain en Amérique du Nord ne se fera pas sans heurts.

On aurait aimé qu’il puisse développer plus en profondeur sa réflexion sur l’effectivité du processus référendaire, mais il fut contraint d’y couper court, faute de temps. Son premier essai Anesthésie générale semble donc particulièrement prometteur.

David Leroux termine des études en sciences politiques à l’Université McGill

 

Le sociologue et chroniqueur Mathieu Bock-Côté a été égal à lui-même : il a appelé à poursuivre le combat national contre Ottawa sur les thèmes de l’immigration, du multiculturalisme et de la langue. Il a également souligné combien il était étrange de voir un parti n’étant pas explicitement anti-Québécois à la tête de l’État. Malgré les reproches que l’on peut faire à la CAQ – son côté brouillon mâtiné d’anti-intellectualisme – il n’en demeure pas moins qu’il s’agit avant tout d’un parti profondément québécois, même si d’étranges personnages s’y sont glissés.

L’éditorialiste de L’Action nationale Robert Laplante a paru particulièrement déprimé et pessimiste, comme s’il n’arrivait pas à sortir de l’ornière des années 1990. Il y a chez lui la lassitude générationnelle du péquiste fatigué de voir son camp perdre à répétition. Malheureusement, il ne semble pas avoir quitté pleinement la stratégie référendaire, même s’il demeure un des plus brillants analystes de la scène souverainiste.

La militante laïque Louise Mailloux a refait l’historique du combat du lobby du voile contre les projets d’encadrement des dérives multiculturalistes depuis le milieu des années 2000. Malgré certaines positions christianophobes prises par le passé, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une femme courageuse qui ose nommer l’ennemi islamiste et qui a été injustement accusée de racisme (sic) par tous les lobbys minoritaires vivant de la pleurniche victimaire.

Le chroniqueur Simon-Pierre Savard-Tremblay a martelé son habituelle critique du libre-échange et de la mondialisation néo-libérale. Du reste, on saisit mal la nature de ses reproches faits à la fois à l’étapisme et au Grand soir référendaire. Sa réflexion sur la question mériterait d’être clarifiée.

Petite mention honorable à la chroniqueuse Josée Boileau que l’on sent sincère dans son amour du Québec, mais qui se contente d’une analyse des phénomènes de surface, ce qui est typique de la plupart des journalistes politiques québécois. Elle a quand même brillament dénoncé l’anglicisation fulgurante de la littérature québécoise chez les auteurs de 40 ans et moins, s’inquiétant de la bilinguisation de notre univers littéraire national. Le bilan qu’elle en fait est sidérant : des pages entières sont désormais rédigées en anglais…

Les conférenciers qui ont sauvé le colloque

Ceux dont on aurait pu se passer

Les journalistes Paul Journet de La Presse et Antoine Robitaille du Journal de Montréal ont été d’une assez grande mollesse intellectuelle. Le premier déguisait son militantisme solidaire en analyse de la défaite du PQ, tandis que le second s’est contenté de reprendre les lieux communs sur le désintérêt québécois envers la souveraineté.

M. Journet a tout de même le mérite d’avoir mentionné la haine du PQ qui anime l’exécutif de Québec solidaire. Involontairement, il a donc rappelé que le principal obstacle à toute entente entre les deux partis réside principalement dans l’animosité viscérale des solidaires à l’endroit du nationalisme québécois et non dans l’incompatibilité idéologique qu’entretient la gauche péquiste avec QS.

Que dire de Jean-Martin Aussant, sinon qu’il a annoncé à mots couverts son intention de pousser pour une refondation du Parti québécois ? Horizon Québec Actuel a fait l’analyse de son rôle dans la dissolution du PQ et sa possible récupération par QS.

Soulignons également l’ineptie de sa pensée qui consiste à croire qu’il faut uniquement axer le discours souverainiste sur l’économie et délaisser le vote identitaire, ce dernier étant – selon lui – déjà acquis au Parti québécois.

Cela révèle toute l’incurie intellectuelle du personnage.

Les Québécois ont justement voté pour un parti ayant un discours plus ferme et plus clair sur l’identité nationale que le PQ. Si les péquistes abandonnent définitivement la critique de l’immigration massive et du multiculturalisme, ils confirmeront l’inutilité totale de leur parti.

Des intervenants dont on aurait pu se passer

 

La plus jeune députée de l’Assemblée nationale, Catherine Fournier, a été d’une insignifiance quasiment génante. Entre ses tableaux Power Point en guise de rélexion et les sondages de Jean-Marc Léger, aucune réflexion sérieuse n’est sortie de sa bouche pendant toute sa présentation. Sa présence fut une totale perte de temps.

Quel dommage de voir une jeune patriote si sincère – et disons-le franchement, si naïve –  s’embourber dans des considérations insignifiantes. Il s’agirait qu’elle prenne une ou deux positions fermes sur l’identité nationale ou l’immigration massive et sa cote de popularité remonterait instantanément au sein du milieu nationaliste. 

 

La Catherine Fournier dont le Québec a besoin

 

En matière d’insignifiance, la palme revient tout de même au chroniqueur radio-canadien Yves-François Blanchet qui a été incapable de terminer sa tentative de définition du nationalisme tellement sa pensée s’est révélée médiocre. Il a préféré nous entretenir sur cette ineptie gauchiste qu’est le scrutin proportionnel, omettant de nous rappeler que cela aurait pour effet de donner encore plus de pouvoir aux forces de l’Anti-Québec incarnées par les masses anglo-immigrées qui votent systématiquement contre les intérêts nationaux.

 

M. Blanchet est la caution souverainiste bon chic bon genre de Radio-Cadenas

 

La présence du professeur de CÉGEP Éric Martin, auteur d’un énième livre sur la nécessité de lier le souverainisme et le socialisme dont j’ai déjà fait la critique, a eu au moins le mérite de nous rappeler pourquoi il est impératif que le mouvement souverainiste se distancie de toute forme de gauchisme. À l’inverse de Mlle Fournier ou de M. Blachet, Éric Martin a au moins les idées claires : il veut raviver un populisme de gauche, façon Mélenchon en France ou – pourquoi pas – façon Chavez à la vénézuélienne !

Évidemment, sélectionner les plus mauvais modèles économiques planétaires pour en faire un argument servant à convaincre les Québécois de fonder un État souverain relève de la pure folie, mais les socialistes n’ont que faire du realpolitik : ce qu’ils veulent c’est défendre leur idéologie funeste, coûte que coûte.

Comme tout bon socialiste, M. Martin tente de nous faire croire que la question identitaire relève d’un « faux problème » qui masque le réel des inégalités économiques. En ce sens, la gauche socialiste ne s’éloigne pas beaucoup de la drotie néolibérale : pour elles deux, seul le rapport économique au monde relève du concret.

Or, l’indépendance du Québec est avant tout une question de civilisation et non de redistribution de richesse ou de classe sociale. Le combat contre « le 1% le plus riche » peut se faire dans un Canada dirigé par un NPD socialiste. Maintenir en vie le foyer lumineux de l’Amérique française est une tache beaucoup plus ardue…

 

La critique du livre de Martin

Conclusion

Sauvé par des intervenants de qualité ayant su remettre en question les poncifs progressistes habituels du PQ, le colloque aura eu au moins la vertu de démontrer que le camp souverainiste n’est pas totalement mort sur le plan intellectuel. Même si les intervenants répugnent encore à aborder trop frontalement la question centrale du péril démographique qui guette le Québec, il n’en demeure pas moins qu’on voit poindre le début d’une remise en question de la stratégie référendaire qui empoisonne le souverainisme depuis des décennies.

Malgré l’existence d’une relève patriote et nationaliste lucide, tout sera fait pour la marginaliser sur le plan médiatique et intellectuel. Nulle surprise si ce sont toujours les plus insignifiants des « souverainistes » qui occupent le champ médiatique, puisqu’ils ne représentent aucun danger pour l’État canadien. Cette relève patriote aura besoin d’un énorme courage afin de poursuivre le combat qui est le sien, car la propagande de l’adversaire ira en s’intensifiant.

La phase de recomposition qui s’amorce délimitera les véritables nationalistes lucides des rêveurs et des insipides qui parasitent le champ intellectuel du mouvement depuis trop longtemps. Ce colloque aura au moins eu le mérite de révéler une partie des effectifs de chaque camp.

 

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Un commentaire

  1. Je ne suis certainement pas un partisan indéfectible de M. Martin, mais de le classer parmi « ceux dont on aurait pu se passer » relève de la mauvaise foi. D’abord, on peut être favorable aux doctrines économiques de gauche sans souscrire au principe marxiste qui veut que « seul le rapport économique au monde relève du concret ». On peut croire en la pertinence de la question identitaire tout en appréciant Chavez, tout en sachant puiser chez Marx, chez Pareto ou même chez Keynes…

    Notre critique du libéralisme sera totale, ou elle ne sera pas. Le libéralisme économique (dit classique) a jeté les bases pour les dérives du libéralisme sociétal. Les deux procèdent sur les mêmes fondements ontologiques, soit l’individu déraciné porteur de droits, et dont les rapports au monde ne peuvent être que contractuel.

    HQA devrait faire gaffe de ne pas tomber dans les mêmes pièges sectaires qui ont miné le souverainisme québécois depuis les années 60… On dirait que ACD confond ses préférences personnelles avec les intérêts de la nation.

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