Alexandre Cormier-Denis
Ce dimanche 7 mai, jour du second tour de la présidentielle française, je pris un taxi afin de me rendre à la fameuse tour de Radio-Canada dans le but de débattre face à un partisan d’Emmanuel Macron. Je devais évidemment défendre Marine Le Pen dans un climat – disons les choses franchement – plutôt hostile aux idées patriotes et souverainistes. Malheureusement, en raison de l’émission spéciale de RDI sur les inondations, le débat fut retardé, puis en fin de compte, annulé. J’appris donc le résultat de la présidentielle française dans l’épicentre de la propagande fédéraliste du Québec : la salle de nouvelles de Radio-Canada.
J’eus donc le déplaisir d’endurer pendant environ une heure les commentaires incroyablement insipides de l’ancienne ministre péquiste – et maintenant grande officière de la Légion d’Honneur – Louise Beaudoin. Pour être franc, je rigolais en mon for intérieur en entendant cette pseudo-souverainiste se désoler de la montée des partis patriotes en Europe et féliciter le peuple français pour sa « sagesse » électorale. En fait, ces propos auraient pu être tenus par sa très fédéraliste amie, l’ancienne ministre libérale canadienne Liza Frulla. Symptomatique de l’état d’esprit qui anime l’establishment « souverainiste »; les positions européistes, fédéralistes et bassement consensuelles de Mme Beaudoin me rappelèrent l’état lamentable de l’analyse politique québécoise, et ce, au sein même du camp nationaliste.
Une rencontre inespérée
Une heure plus tôt, en entrant dans le taxi qui devait me conduire à la tour de Radio-Canada, je remarquai le crucifix qui était suspendu au rétroviseur de la voiture. En entendant son accent, je savais que j’étais en présence d’un chrétien d’Orient. Dès qu’il comprit où nous nous dirigions, le chauffeur me demanda si j’allais participer à une émission de télé. Je décidai de déballer l’affaire : j’allais défendre Marine Le Pen lors d’un débat contre un sympathisant de Macron.
Il se montra tout de suite sympathique.
Le chauffeur me parla de la faiblesse des derniers présidents Sarkozy et Hollande et du fait que Macron lui semblait un homme faible en raison de son mariage avec une femme pouvant avoir l’âge de sa mère. Il évoqua également le refus de Marine Le Pen de se couvrir la tête d’un voile lors de son passage au Liban. Je lui demandai donc tout naturellement s’il était Libanais. Je m’étais trompé de quelques kilomètres. Il était Syrien.
Je n’eus pas à trop approfondir la conversation sur l’état catastrophique actuel de la Syrie, puisqu’il me déclara tout de go : « Moi monsieur, je suis avec notre président ». J’approuvais sa déclaration en lui disant que les Occidentaux étaient devenus fous sur la question syrienne et que le départ de Bashar Al-Assad serait du pain béni pour tous les islamistes de la région. Il me répondit simplement que la non-soumission aux Américains faisait de tout dirigeant arabe un dictateur, alors que l’alliance avec les États-Unis rendait des pays despotiques – tel l’Arabie saoudite – fréquentables d’un point de vue médiatique.
La messe était dite. En sortant de la voiture, je lui lançai un « Vive le Québec ! Vive la France ! Vive la Syrie ! » avant de m’engouffrer dans la tour de la société d’État canadienne. J’entrais dans le temple fédéraliste du Québec avec l’impression d’avoir – à mon échelle – le devoir de défendre les positions pleines de bon sens de ces chrétiens d’Orient malmenés par la politique internationale catastrophique de la France et de l’Occident.
Le monde arabe, ce n’est pas Brossard. Entre l’autoritarisme d’un régime fort et le chaos islamiste, il faut choisir.
Un quinquennat pénible
En voyant l’annonce des résultats sur un des écrans de la salle de nouvelles, je me suis immédiatement dit que les Français venaient de s’acheter un autre quinquennat très pénible. Ils ont en effet opté pour plus d’immigration massive, plus d’insécurité, plus de Djihad, plus d’Union européenne, plus de déconstruction nationale, plus d’inféodation à l’Allemagne et aux États-Unis et plus de soumission à l’ordre néolibéral actuel. Car ne soyons pas dupes, l’élection d’Emmanuel Macron ne représente en rien une rupture avec les politiques passées, mais bien une continuité, voire une radicalisation des politiques du mandat de M. Hollande, qui était lui-même en continuité totale avec la présidence Sarkozy.
Il est assez clair que sous Macron, nous aurons droit à une poursuite de la provincialisation de la France dans l’Union européenne, une tendance lourde depuis des décennies qui ne fera que s’accélérer avec ce nouveau président. Macron souhaite créer un ministère des finances européen et intégrer des élus français locaux aux institutions européennes. C’est le président qui affiche les convictions fédéralistes les plus décomplexées de toute la cinquième République.
D’ailleurs, s’étant débarrassé de l’épithète « socialiste », la gauche française pourra pleinement assumer son tournant libéral et devenir une sorte de parti démocrate à l’américaine, abandonnant pour de bon les classes populaires et devenir le parti des minorités ethno-confessionnelles et des classes urbaines bobos et mondialisées. La fracture politique entre les déçus et les enthousiastes de la mondialisation ne risque pas de se refermer de sitôt. En 2022, lors de la prochaine présidentielle, la France sera probablement encore plus divisée, tendue et délabrée.
La suite des choses pour les patriotes
Considérant le niveau d’hostilité médiatique entourant la candidate patriote, il est tout de même encourageant de constater que le tiers des électeurs ayant exercé leur droit de vote ont donné leur soutien à Marine Le Pen. Enthousiasmés par la victoire du Leave lors du référendum britannique et par la victoire de Donald J. Trump, certains patriotes ont peut-être été naïfs quant à la capacité réelle de Marine Le Pen d’affronter quasiment à elle seule l’ensemble de la classe politique, des médias et des institutions françaises.
Face à ce résultat, Mme Le Pen a annoncé une recomposition majeure du Front National qui se transformera sans doute en une coalition beaucoup plus large. On invoque maintenant ouvertement la fin du FN et la création d’un nouveau parti patriote. Car ne nous leurrons pas, le nom Front National demeure rédhibitoire pour de nombreux Français qui sont sensibles aux idées identitaires et souverainistes, mais demeurent méfiant face au passé sulfureux du parti. Le départ de la députée Marion Maréchal-Le Pen et le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan permettent de penser qu’une recomposition majeure au sein du camp patriote est en train de se produire. Personne ne sait encore ce qui en résultera, mais le camp souverainiste risque d’être grandement transformé dans les prochaines années.
Le troisième tour
Les 11 et 18 juin prochains, les Français seront appelés à élire leurs députés à l’Assemblée nationale alors que se produit un bouleversement majeur de la scène politique. Avec un président sans réel parti, une droite en crise de leadership, un Parti Socialiste mort-vivant, une extrême-gauche en pleine ascension et un camp patriote récoltant 33% des voix, les élections législatives françaises pourraient nous réserver de nombreuses surprises.
Avec un tiers de l’électorat de son côté, et des régions où le vote en faveur de Marine Le Pen a dépassé les 50% au second tour, le camp patriote pourra largement faire élire plus que les deux députés actuels, alors même que le système électoral lui est défavorable. Sachant que le soi-disant « Front républicain » n’a pas réellement fonctionné à la présidentielle, il est tout à fait possible de concevoir que ce sera la même chose aux législatives et que la gauche radicale n’appellera pas à faire barrage aux candidats patriotes.
Dans ce contexte d’effervescence politique, les souverainistes français pourraient bien avoir une chance d’envoyer un contingent non-négligeable de députés à l’Assemblée nationale afin d’imposer leurs thèmes à la caste politique française qui gouvernera le pays pour les cinq prochaines années. C’est en cette période de grands troubles qu’il est plus nécessaire que jamais de relever la tête afin d’affronter ce qui pourrait être le quinquennat le plus difficile que les Français aient à supporter depuis des décennies.