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La Catalogne et le risque de partition du Québec

Jérôme Blanchet-Gravel >

Les derniers événements en Catalogne ont suscité un enthousiasme parfois démesuré chez les souverainistes québécois, eux qui souhaitent aussi fonder un pays pleinement indépendant. Sans surprise, ils ont massivement donné leur appui au projet de Carles Puidgemont, voyant dans cette région de l’Espagne la chaleureuse réplique de leur condition politique. En septembre dernier, le Parti québécois invitait à son congrès l’eurodéputé catalan Jordi Solé Ferrando pour venir témoigner de son expérience.

C’est devenu un réflexe : à chaque fois qu’une entité politique revendique son autonomie quelque part dans le monde, des Québécois sont prêts à l’appuyer. Qu’il s’agisse de la Palestine, de la Catalogne, de l’Écosse ou même du Royaume-Uni lors du Brexit. Il va sans dire que certaines de ces causes ne sont pas complètement illégitimes. Le problème, c’est qu’en agissant ainsi, c’est-à-dire par automatisme et sans réflexion réelle, les souverainistes québécois témoignent d’un grave manque de stratégie et de réalisme.

Les sécessionnistes contre l’État-nation

La première chose que les indépendantistes du Québec n’ont pas réalisé est le fait que plusieurs mouvements sécessionnistes agissent actuellement contre les États-nations qu’ils veulent pourtant protéger. Contrairement à ce que certains semblent souhaiter, toutes les sous-cultures nationales ne sont pas destinées à se voir attribuer un État. La diversité régionale est telle en Europe que cette logique conduirait à un morcellement territorial digne du Moyen Âge. L’émergence de mouvements indépendantistes en Bavière et en Italie du Nord témoigne de cette dangereuse tendance à la balkanisation.

Nous ne sommes pas sans savoir que l’État-nation s’est construit en Europe contre les régionalismes, et particulièrement en France où la République a d’abord uniformisé le territoire linguistiquement pour assurer l’unité de la nation. Sans l’imposition de la langue française et de certains codes républicains partout dans l’Hexagone et même ailleurs, jamais la France ne serait devenue la nation qu’elle est aujourd’hui. C’est au système d’éducation qu’on doit la réussite de cette vaste entreprise.

Attention au retour de bâton

D’ailleurs, le fait que des régions en France aient déjà revendiqué une certaine autonomie aurait dû tempéré la fièvre catalane des souverainistes au Québec. Puisque ces derniers comptent toujours sur Paris pour reconnaître un jour officiellement l’indépendance de leur peuple, ils devraient se garder une certaine réserve. Pourraient-ils aussi se permettre de supporter l’indépendance de la Corse dans l’hypothèse où elle deviendrait d’actualité ? Les souverainistes québécois devraient se montrer plus prudents au lieu de céder aussi facilement à l’émotion. Il faut choisir ses combats.        

La deuxième chose que les indépendantistes québécois n’ont pas réalisé est le fait qu’ils appuient une démarche qui pourrait rapidement se retourner contre eux au sein de leur propre État. Actuellement, des peuples amérindiens plaident pour l’obtention de leur pleine souveraineté sur des territoires qu’ils considèrent comme sacrés et ancestraux. Pour certains Amérindiens, les Blancs sont des envahisseurs qui ont volé leurs terres.

A quand la « décolonisation » du Canada?

Le parti d’extrême gauche Québec solidaire a même intégré dans son programme un projet de balkanisation du Québec qui permettrait aux peuples autochtones de faire sécession. On remarque aussi que des politologues canadiens aux penchants multiculturalistes prônent désormais une redistribution du pouvoir en faveur des Premières Nations qui aurait pour effet d’instaurer une forme d’apartheid et de pluralisme juridique. Dans les universités, c’est ce qu’on appelle la future « décolonisation du Canada ».

Dans cette perspective, les souverainistes québécois se retrouvent déjà à affronter d’autres souverainistes, preuve supplémentaire des limites actuelles de leur idéologie. Comment pourront-ils justifier leur opposition aux projets sécessionnistes des Autochtones s’ils supportent indistinctement tous les projets d’indépendance dans le monde ? Ils devront reconnaître la légitimité de ces projets de séparation s’ils persistent dans cette voie.

Il ne s’agit pas de nier toute ressemblance entre le Québec et la Catalogne. Cependant, si l’Espagne n’est pas un pays parfait, son modèle de société unitaire (mais à tendance fédérale !) demeure celui que revendique paradoxalement la grande majorité des indépendantistes pour le Québec. En soutenant inconditionnellement la Catalogne, les souverainistes québécois ont encore raté l’occasion de faire preuve de maturité politique.

 

> Lire l’article sur Causeur.

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Un commentaire

  1. Jean Claude Pomerleau

    En toutes circonstances il faut se demander en quoi cela sert la cause ? Celle de L’État du Québec et celle de sa souveraineté ?

    Dans le cas de la Catalogne, la tendance du mouvement souverainiste à vouloir être souverain par procuration nuit à nos intérêts.

    Deux vidéos d’une quinzaine de minutes pour le comprendre :

    Géopolitique 101 – Sortir de la logique référendaire : les cas écossais, catalan et québécois
    http://nomos-tv.com/geopolitique-101-sortir-de-la-logique-referendaire-les-cas-ecossais-catalan-et-quebecois
    http://nomos-tv.com/referendum-en-catalogne-la-fin-de-la-naivete-souverainiste

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