Alexandre Cormier-Denis >
Dans un message sur les médias sociaux, le militant islamo-multiculturaliste Haroun Bouazzi a remercié ouvertement Québec Solidaire, les jeunes du PLQ, le parti municipal Projet Montréal ainsi que deux ténors du Parti Québécois – Alexandre Cloutier et Paul St-Pierre Plamondon – en raison de leur soutien à la commission sur le racisme systémique que souhaite lancer le gouvernement Couillard.
Rappelons aux lecteurs qui ne suivent pas passionnément la palpitante, mais non moins déprimante vie interne du Parti Québécois, que MM. Cloutier et St-Pierre Plamondon ont tous deux étés candidats à la dernière primaire du parti. M. Cloutier avait d’ailleurs été désigné comme le candidat officiellement respectable par les médias fédéralistes, devant un Jean-François Lisée qui jouait au trublion en associant ouvertement terrorisme, niqab et kalashnikov afin de remporter la course à la direction.
Quant à PSPP, rappelons également qu’à défaut d’être député, ce dernier a été mandaté par l’actuel chef péquiste pour faire le tour du Québec afin de renouveler une énième fois le Parti Québécois. Ses conclusions ont été d’un banal sans équivoque : appel au renouvellement générationnel, quota ethnique dans les comités du parti pour assurer la promotion de la « diversité », alliance systématique sur les thèmes « progressistes », délaissement des questions identitaires jugées clivantes, etc.
Soulignons le choc, peut-être même la stupeur, qui devrait saisir n’importe quel nationaliste lucide de voir associés QS, le PLQ, Projet Montréal ainsi que deux têtes d’affiche du mouvement souverainiste par un militant multiculturaliste qui a ouvertement combattu la Charte des valeurs du gouvernement Marois. Ce qui pourrait être considéré comme une simple anecdote est en fait révélateur du réel problème qui gangrène le mouvement souverainiste.
L’alliance mortifère
Depuis cinquante ans, le mouvement souverainiste québécois a été associé au camp progressiste, à la gauche, voire même au socialisme, et ce, pour des raisons historiques. Les revendications sociales et nationales des Canadiens français devenus Québécois se sont naturellement jointes dans une lutte commune. Ainsi, la libération nationale et l’émancipation économique se sont trouvées en quelque sorte fusionnées dans un même projet politique : la souveraineté du Québec. Évidemment, cet imbroglio entre le militantisme socialiste et le souverainisme – tendance qui culminera dans la doctrine de la revue Parti pris, mais dont la dissolution en 1968 annonce les limites de l’indifférenciation entre les deux luttes – sera mis à terme par le second gouvernement Lévesque qui opéra un tournant économique libéral dès 1981.
Passé le second référendum, les années Bouchard ont terminé de convaincre les anciens marxistes-léninistes, maoïstes patentés et trotskystes zélés d’en finir avec leur division et de se réunir sous une bannière commune en se joignant à tous les « istes » de la gauche québécoise afin de former Québec Solidaire dont la mission sera la lutte progressiste, nouveau vocable de la gauche post-marxiste.
Devant l’alignement du camp progressiste québécois sur les thèmes multiculturalistes canadiens – défense systématique de la diversité ethnique, de l’immigration massive, des revendications des minorités religieuses et sexuelles, de l’ultra-féminisme etc. – le mouvement souverainiste s’est trouvé en quelque sorte coincé dans sa propre alliance avec la gauche sociétale. Depuis l’élection de Justin Trudeau, cet enfermement dans les thèmes progressistes n’ont fait que radicaliser l’indifférenciation qui existe entre la doctrine officielle de l’État canadien et les aspirations progressistes des souverainistes québécois.
On peut en effet se demander en quoi diffère fondamentalement la vision politique du Québec promue par l’actuel premier ministre canadien et celle des progressistes souverainistes ? Quelle est la différence fondamentale entre la vision politique de Paul St-Pierre Plamondon ou d’Alexandre Cloutier de celle de Justin Trudeau ?
La stratégie reposant sur une embrassade de tous les enjeux progressistes est également inepte. Au jeu du politiquement correct, jamais le mouvement souverainiste ne remportera la bataille des idées. Justin Trudeau fera sans problème la couverture du Rolling Stones en étant présenté comme un chef d’État modèle, tandis que Jean-François Lisée sera toujours suspecté de promouvoir un nationalisme rance et moisi même si son parti tombe dans la surenchère progressiste en proposant une loi protégeant les droits des immigrants transgenres.
La commission sur le racisme systémique, une chance pour le PQ
Rappelons l’évidence : le mouvement souverainiste est dans son fondement même un projet qui contient une essence conservatrice. Il s’agit en effet de faire du Québec un État souverain au nom d’un peuple habitant un territoire national, ayant une histoire nationale et parlant une langue nationale. Quiconque au Canada anglais ou parmi les minorités immigrantes a très bien compris sur quoi reposait ce combat. C’est d’ailleurs la raison de leur hostilité intrinsèque à notre lutte nationaliste. Nous voulons un pays où nous serons maîtres chez nous. On dirait que seule l’élite souverainiste semble l’avoir oublié.
Gangréné de l’intérieur par des membres plus « progressistes » que souverainistes, il est temps que le PQ fasse le ménage en son sein et qu’il assume véritablement sa nature politique : il est fondamentalement un parti nationaliste.
D’ailleurs, la commission sur le racisme systémique que vient d’annoncer le gouvernement Couillard est une bénédiction pour le Parti Québécois. Ce sera l’occasion pour lui de se démarquer radicalement de QS, de tuer symboliquement la CAQ en adoptant des positions plus fermes, et de se présenter comme le seul parti se portant résolument à la défense des Québécois.
Remarquons que la dénonciation de la commission sur le racisme systémique par Jean-François Lisée démontre que le virus progressiste n’a pas encore totalement englué tous les cerveaux de ce parti. Cela révèle aussi que, s’il est possible d’identifier un courant multiculturaliste au sein du PQ – dont les figures de proue sont Alexandre Cloutier et Paul St-Pierre Plamondon – il est objectivement impossible d’identifier leur équivalent dans un camp conservateur qui n’existe tout simplement pas.
Éviter le désastre électoral
Afin d’éviter la catastrophe électorale et politique, il est primordial que le Parti Québécois sorte de son alliance mortifère avec la gauche qui nuit à la défense concrète de la Nation. Il faut dénoncer de manière virulente cette inféodation du souverainisme aux postulats de l’antiracisme officiel décrété par nos ennemis politique dans le but de diluer un peu plus la conscience nationale du peuple par un procès d’auto-flagellation médiatisé permanent.
Devant le désastre électoral qui s’annonce, il est temps plus que jamais que le Parti Québécois ouvre ses horizons et sorte radicalement de son alliance systémique avec la gauche. Car, qu’il le veuille ou non, le PQ est associé à la fierté de la Nation québécoise, à la défense de la langue française et à la confrontation avec Ottawa. C’est son ADN politique. C’est également son créneau électoral.
En faisant de la surenchère systématique sur les enjeux progressistes, non seulement il risque de perdre des électeurs plus conservateurs, mais il légitime la pensée de ses adversaires solidaires et libéraux en se soumettant à leur vocabulaire. Il s’agit donc d’une double défaite.
Bien sûr, certains me rétorqueront que l’enjeu de l’oléoduc Énergie Est représentera un moyen pour le PQ d’affronter frontalement Ottawa et de se démarquer sur le plan électoral, mais ce serait faire fi de l’intelligence politique qui prévaut dans le camp fédéraliste. Il faut plutôt s’attendre à ce que cet enjeu électoral explosif soit mis au rancart afin de ne pas froisser inutilement le Québec. La question de l’oléoduc et du pétrole canadien risque de demeurer un enjeu marginal de la campagne électorale qui s’annonce, surtout qu’une part significative des Québécois pourrait s’y montrer favorable.
La commission sur le racisme systémique est une bénédiction pour le PQ car cela pourrait lui permettre de débuter sa rupture – qui sera douloureuse mais nécessaire – avec la gauche québécoise. Pour cela, il devra notamment revenir sur cette absurde promesse de mettre en place une « police contre le racisme », véritable inquisition moderne qui condamnerait un commerçant ayant décidé d’embaucher Monique plutôt que Aïcha. Sortir de l’alliance avec la gauche multiculti commencera d’abord par une contestation radicale de la bien-pensance antiraciste.
Devant cette croisée des chemins, le mouvement souverainiste a deux choix : soit il s’enfonce dans le progressisme à tout crin et devient une pâle copie du Parti libéral du Canada en défendant le communautarisme ethno-sexuel, l’immigration massive et les thèmes propres à la gauche sociétale, risquant ainsi de ne plus être politiquement identifiable pour l’électorat. Soit il reprend conscience de son rôle historique, sort du politiquement correct imposé par les médias progressistes, affronte directement la propagande de l’État fédéral et se positionne en champion de son électorat traditionnel, les nationalistes québécois.
Soyons clairs : le Parti Québécois du XXIe siècle sera nationaliste ou risque de ne plus être du tout.
La guerre est d’abord sémantique. Il s’agit de définir les mots que nous utilisons afin d’éviter les confusions, qu’introduisent à dessein nos adversaires.
Il faut rejeter le « progressisme » en matière de valeurs, c’est à dire le côté libertaire de la gauche, le « ni dieu ni maître », qui dissout la société, réforme après réforme. Mais il n’y a rien de mal dans la gauche sociale, c’est à dire la défense du faible (et du peuple en général) face aux abus des banques et des multinationales, couverts par des politiciens corrompus.
Du côté de la droite, il faut rejeter l’affairisme sans scrupules obsédé par l’argent à court terme et la spéculation financière. Mais l’on doit conserver la propriété privée, l’esprit d’entreprise et les valeurs familiales.
A mon sens il n’y a donc pas de « croisée des chemin » qui nous obligerait à nous écarter des valeurs humaines et sociales pour être nationaliste, mais une nécessité de s’émanciper enfin du discours « gauche/droite » et de rechercher l’équilibre vertueux, comme le dit si bien Alain Soral, en France, de la « Gauche du travail » et de la « Droite des valeurs ».