Annabelle Blais >
De riches investisseurs anonymes des paradis fiscaux ont misé au moins 165 millions $ dans des producteurs de pot autorisés au Canada, a découvert notre Bureau d’enquête.
Îles Caïmans, Bahamas, Belize, Dominique, Aruba, Curaçao, Malte, Barbade, Île de Man, Îles Vierges britanniques, Îles Marshall, Îles Seychelles, Panama, Luxembourg; il ne semble pas y avoir d’endroits trop peu peuplés ou trop lointains pour résister à l’attrait du pot canadien.
En tout, 35 des 86 producteurs autorisés par Santé Canada, soit 40% d’entre eux, ont bénéficié d’un financement offshore au cours des deux dernières années, selon les documents financiers consultés.
Parmi eux, on trouve une firme de pot administrée par Alain Dubuc, chroniqueur de La Presse, et Martin Cauchon, propriétaire de journaux.
Ce genre de placements privés est réservé à des investisseurs aux poches profondes, qui doivent en général avoir un actif net d’au moins 5 millions $.
Employé des Desmarais depuis 1976, Dubuc est un mercenaire fédéraliste
Investisseurs cachés
Aucun des producteurs de pot n’a accepté de révéler l’identité de ces mystérieux investisseurs. La plupart ont tout simplement décliné nos demandes d’entrevue.
«On ne sait pas qui se cache derrière ces investissements et ça n’élimine pas la possibilité que le crime organisé soit impliqué», reconnaît le professeur Ken Lester, président de Lester Asset Management et professeur adjoint à la Faculté de gestion de l’Université McGill.
Toutefois, selon lui, l’industrie « sait qu’elle doit être sans tache parce qu’elle est scrutée par le monde entier».
Selon Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le grand public n’a pas le droit de connaître l’identité des investisseurs installés dans des paradis fiscaux.
«Ces informations demeurent […] confidentielles», nous a-t-il écrit. Selon M. Théberge, l’AMF possède à l’interne le nom des compagnies des paradis fiscaux qui investissent. Mais elle ne demande pas systématiquement qui sont les véritables propriétaires de ces compagnies.
[…]
L’entreprise ontarienne 48 North, dont Martin Cauchon et Alain Dubuc sont administrateurs, compte sur plus de 3 M$ en provenance du paradis fiscal des Îles Vierges britanniques.
[…]
Deux influenceurs sur le CA
L’ancien ministre libéral Martin Cauchon, qui préside le conseil d’administration de 48 North, est également président de Capitales médias. Ce groupe de presse possède les quotidiens régionaux Le Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit, La Tribune, Le Quotidien et La Voix de l’Est.
En 2003, lorsqu’il était ministre de la Justice au fédéral, M. Cauchon avait déposé un projet de loi pour décriminaliser la marijuana, mais le gouvernement avait finalement décidé de mettre le tout sur la glace. L’ex-ministre a refusé de nous accorder une entrevue.
Le chroniqueur de La Presse Alain Dubuc siège aussi au CA de 48 North depuis 2014. «Cette implication personnelle m’interdit d’écrire ou de me prononcer en public sur les questions liées au cannabis pour éviter de me placer en situation de conflit d’intérêts», nous a-t-il écrit dans un courriel.
Or, à deux reprises en 2017, M. Dubuc a parlé de la légalisation du cannabis à la télévision de Radio-Canada sans mentionner ses intérêts. «Je trouve qu’on accorde trop d’énergie à ce débat et on a tendance à exagérer les conséquences et à s’inquiéter pour rien», avait-il déclaré en décembre lors d’une revue des dossiers importants de l’année.
> Lire l’article en intégralité sur le Journal de Montréal.