Une décision audacieuse.
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Simon Jolin-Barrette va forcer une reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise et francophone

Le Devoir >

Le ministre Simon Jolin-Barrette proposera à l’Assemblée nationale d’inscrire la spécificité linguistique de la nation québécoise en toutes lettres dans la Constitution canadienne, et ce, sans demander préalablement la permission à qui que ce soit dans le reste du pays, a appris Le Devoir.

Pour y arriver, il lui suffira d’adopter le projet de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français— dont on pourra prendre connaissance jeudi avant-midi.

Le projet de loi « costaud » visant à renforcer la présence de la langue française prévoira aussi le rétablissement de la règle de la « nette prédominance du français » en matière d’affichage commercial, le contingentement du nombre d’étudiants admis dans les cégeps anglophones, en plus du retrait du statut de « ville bilingue » de certaines municipalités à travers le Québec, selon les informations recueillies par Le Devoir.

Le ministre Simon Jolin-Barrette s’est mis en tête d’affirmer des caractéristiques fondamentales du Québec — sa langue française et son caractère national — dans le bout de la Constitution canadienne qui lui « appartient », c’est-à-dire la section « Québec » du chapitre sur les « Constitutions provinciales » de la Loi constitutionnelle de 1867.

L’équipe de François Legault y voit un geste d’affirmation à la fois « symbolique » et « logique », près de 15 ans après la reconnaissance de la nation québécoise « au sein d’un Canada uni » par la Chambre des communes. « On est conscient qu’il s’agit d’un geste audacieux. Cela dit, on ne veut pas faire une révolution de palais ou relancer des négociations constitutionnelles comme Meech », précise une source au fait du dossier.

Le gouvernement caquiste compte notamment sur l’appui de l’ex-ministre libéral des Affaires intergouvernementales canadiennes Benoit Pelletier.

En répondant à l’appel de M. Jolin-Barrette, l’Assemblée nationale poserait un geste « d’une extrême importance, riche en symboles, et qui pourrait éventuellement être utilisé par les tribunaux aux fins d’une interprétation constitutionnelle », estime-t-il. En même temps, « c’est tout simplement le Québec qui s’autodéfinit » dans la loi du pays, dit l’ancien élu de l’Assemblée nationale.

À ses yeux, le Parlement québécois a les coudées franches pour modifier la Constitution de sa province comme le lui proposera le ministre Jolin-Barrette jeudi puisqu’il ne « toucherait » ni au « compromis fédératif » ni « aux relations fédérales-provinciales, ni « à une autre province », ni « à la structure du fédéralisme canadien ». « Nous sommes en présence d’une modification qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’article 45 [de la Loi constitutionnelle de 1982 selon lequel une législature a compétence exclusive pour modifier la constitution de sa province] », résume le professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

D’ailleurs, l’article 45 de la Loi de 1982 assure la « continuité » avec l’article 92.1 de la Loi de 1867, aujourd’hui abrogé, en vertu duquel le Québec a aboli son Conseil législatif en 1968, fait remarquer M. Pelletier.

Selon lui, l’insertion de spécificité linguistique de la nation québécoise dans la Constitution du Canada constituerait une « carte de plus dans le jeu » du procureur général du Québec advenant des contestations de la Charte de la langue française, revue et corrigée, devant les tribunaux.

L’expert en droit constitutionnel dit appuyer « les initiatives visant à renforcer et à affirmer » la langue française au Québec, et ce, même si elles nécessitent l’utilisation de la clause de dérogation prévue à la Charte canadienne des droits et libertés. « Parfois, le dernier mot doit appartenir aux assemblées législatives plutôt qu’aux tribunaux », note-t-il, tout en précisant être toujours membre du Parti libéral du Québec. « Je suis un ancien ministre libéral qui ne renie pas du tout son passé, qui n’a pas changé de camp, mais la langue française a toujours été pour moi quelque chose d’une importance fondamentale », conclut-il.

« Changement de paradigme »

Le professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval Patrick Taillon anticipe une forte réaction du reste du Canada à la volonté du gouvernement québécois de « mettre un pied à terre », puis de lancer : « C’est notre espace à nous, la “Constitution provinciale” dans la Constitution canadienne. »

Il voit « quelque chose de politiquement très transgressif » dans le désir du ministre Simon Jolin-Barrette d’inscrire noir sur blanc la spécificité du Québec dans la Constitution canadienne. « Les fédéralistes québécois réformateurs travaillaient à ce que le reste du pays nous reconnaisse comme une nation […] des années soixante jusqu’à l’échec de Charlottetown. Mais là, ce que le ministre, à ma compréhension, propose, c’est plutôt de dire : “Nous, on va se définir nous-mêmes” », explique-t-il.

>>> Lire la suite de l’article de Marco Bélair-Cirino

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4 commentaires

  1. A quoi ca va changer. Dan’s 15 a 20 ans ,les quebecois de souche vont etre minoritaire au Quebec meme.

  2. Legault joue sur le sentiment des quebecois. Il faut arreter limmigration a tout prix. Moj , je veux plus de limmigration europeene.

  3. Pourquoi vouloir se conformer, ou vouloir agir à l’intérieur de la Constitution de 1982 ?
    Cette constitution n’a jamais été reconnue par le Québec.
    Cette idée de: on peut le faire à l’intérieur de la Constitution de 82 est un peu ridicule, si la personne qui émet cette idée n’a jamais approuvé le coup de force du Canada contre le Québec.
    Bref, tout ça est trop timoré à mon goût.
    Ça va repasser dans les Tribunaux, avec les délais que ça implique, et la Cour Suprême « canadian » va nous dire: désolé, mais le Québec, gouvernement inférieur, ne peut pas faire ça.
    Bref…

    • L’article permettant aux provinces de modifier leur propre « constitution » date de 1867 et a simplement été repris par la Loi constitutionnelle de 1982. C’est cette disposition qui a permis à Daniel Johnson père d’abolir le Conseil législatif dans les années 1960, et ce sans demander la permission du fédéral.

      Le projet de loi (dans sa forme actuelle) est insuffisant d’un point de vue linguistique, mais intéressant d’un point de vue constitutionnel. Tout ce qui remet en cause le statu quo constitutionnel canadien a le potentiel de raviver la flamme souverainiste. C’est encore plus vrai si les juges fédéraux invalident la loi en question.

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