Sarah Bélisle >
La Cour suprême a rejeté vendredi l’ultime appel d’un journaliste de Vice Media, l’obligeant ainsi à remettre à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ses échanges avec une source.
Ben Makuch et Vice se battaient devant les tribunaux depuis des années dans l’espoir de faire casser une ordonnance les sommant de remettre à la GRC les correspondances du journaliste avec Farah Shirdon. Ce Canadien soupçonné d’être impliqué auprès du groupe armé État islamique en Syrie a fait l’objet d’une série d’articles signés par M. Makuch en 2014.
Dans une décision unanime vendredi, la plus haute cour du pays a jugé que l’ordonnance était raisonnable. Elle a ainsi confirmé les décisions des tribunaux inférieurs.
Les juges soulignent l’importance de permettre aux médias de recueillir et de diffuser de l’information sans que l’État intervienne, ainsi que le rôle crucial que joue la presse dans la société. Ils concluent néanmoins que dans le cas de M. Makuch, «l’intérêt de l’État à enquêter sur les crimes présumés et à poursuivre leurs auteurs l’emporte sur le droit des appelants à la confidentialité des renseignements dans la collecte et la diffusion des informations».
Terrorisme
Le fait que les crimes présumés, c’est-à-dire participer à des activités terroristes et proférer des menaces de mort, soient des infractions graves liées au terrorisme «pèsent lourd dans la balance», peut-on lire dans le jugement rendu.
Ils y invoquent de multiples autres raisons pour expliquer que l’ordonnance de communication est raisonnable à leur avis. Parmi celles-ci:
– La correspondance ne révèle pas l’identité d’une source confidentielle, Farah Shirdon ayant été identifié par son nom dans la série d’articles de M. Makuch.
– Leurs communications n’étaient pas faites à titre confidentiel ou sous le couvert de l’anonymat.
– Aucune autre source ne pourrait permettre à la GRC d’obtenir ces informations, puisque l’application utilisée par Makuch et Shirdon pour échanger des messages textes ne les a pas enregistrés.
-M. Shirdon «a utilisé le média en tant quelque sorte que porte-parole pour elle, afin de rendre publiques ses activités auprès d’un groupe terroriste et de diffuser ses idées extrémistes»
Si M. Makuch refuse de remettre les captures-écrans à la GRC, il s’expose à une accusation d’outrage au tribunal qui pourrait le mener en prison.
Lorsque la cause a été entendue en mai dernier devant la cour à Ottawa, Vice Media avait plaidé que les médias perdraient toute confiance du public si les autorités pouvaient accéder aux communications entre les journalistes et leurs sources.