Émilie Dubreuil >
Coup de théâtre dans l’affaire Lev Tahor. Cinq leaders de la secte ont été arrêtés au Mexique, dans la nuit de mardi à mercredi, lors une opération policière menée par Interpol et le FBI, selon le journal juif orthodoxe Yeshiva World News. Ce dénouement survient alors que des enfants de la secte ont retrouvé récemment le chemin du Québec, où ils ont été pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), selon des informations obtenues par Radio-Canada.
Cette arrestation sonne peut-être le glas d’une longue fuite qui a commencé par une nuit de novembre 2013, où 200 membres de la secte quittaient Sainte-Agathe-des-Monts, avec une centaine d’enfants, pour échapper à la Protection de la jeunesse des Laurentides.
Après un bref séjour dans le sud-ouest de l’Ontario, le groupe, confronté là-bas encore aux services sociaux, avait de nouveau pris la fuite vers le Guatemala.
Toujours selon le Yeshiva World News, il y a plusieurs mois, Sara Teller, la fille du défunt leader de la secte, Shlomo Elbrans, s’est insurgée contre la décision de son frère Nachman Elbrans de marier sa fille de 13 ans à un autre adolescent Lev Tahor. Punie sévèrement et persécutée pour avoir osé critiquer son frère, devenu le leader de la secte depuis la mort de leur père, en 2017, elle aurait pris la fuite et se serait réfugiée avec ses six enfants aux États-Unis. Radio-Canada n’a pu corroborer ces informations.
Or, début décembre, le Yeshiva World News rapportait que deux de ses enfants avaient été kidnappés dans la région des Catskills, dans l’État de New York, où elle séjournait.
Radio-Canada n’a pu confirmer auprès du FBI et d’Interpol que l’arrestation des leaders de la secte a bel et bien un lien direct avec ces enlèvements.
Ce nouveau chapitre dans la saga Lev Tahor pourrait peut-être accélérer le retour de certains enfants au Québec.
Des enfants déjà placés ou en voie de revenir
Radio-Canada a appris, en effet, que depuis le début de l’automne, des enfants Lev Tahor ont pris le chemin du retour.
Début octobre, une jeune fille de 12 ans est arrivée à l’aéroport de Toronto, en provenance du Guatemala. À l’aéroport, les autorités ont alerté les services ontariens de protection de l’enfance qui, dans l’urgence, ont placé l’enfant dans une famille non juive.
Le lendemain, la DPJ du Québec a pris les choses en main et trouvé une famille juive orthodoxe pour héberger la petite. Pour minimiser le traumatisme de l’enfant rejetée par la secte, il était primordial de trouver des parents d’accueil sachant parler sa langue – le yiddish – et ayant une pratique religieuse rigoureuse.
Selon nos informations, au moins deux autres garçons ont été placés par la DPJ, cet automne, dans des familles juives orthodoxes du Québec.
Myriam Sabourin, responsable des relations avec les médias du CISSS des Laurentides, refuse par ailleurs de dire combien d’enfants, au total, sont arrivés depuis octobre.
Elle nous assure par ailleurs que la DPJ a un plan et qu’elle est prête à prendre en charge d’autres enfants de la secte qui reviendraient au Québec et à agir avec célérité dans ce dossier.
Un retour inattendu
Au début des années 2000, une centaine d’adeptes de Shlomo Elbrans s’installent à Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides. L’homme est un leader charismatique qui se réclame d’un judaïsme fondamentaliste. Il dit avoir converti des juifs en Israël à une pratique rigoriste.
Pour ses fidèles, Elbrans est un père et un guide spirituel. Comme les femmes du groupe sont vêtues d’un vêtement qui rappelle la burqa, on les appelle les « juifs talibans ».
Même les juifs hassidiques les trouvent extrémistes.
Elbrans obtient le statut de réfugié au Canada en se disant victime de discrimination religieuse en Israël. Pendant plusieurs années, son groupe vivra paisiblement dans les Laurentides sans attirer l’attention.
Des découvertes inquiétantes
Puis, en 2012, l’hospitalisation d’une jeune fille de 14 ans va déclencher l’alarme. La jeune fille menace de se suicider si on la contraint à retourner au sein des Lev Tahor. Elle confie au personnel hospitalier qu’elle craint d’y être mariée de force.
La DPJ commence alors à dépêcher des intervenants chez les Lev Tahor, où elle fait des constats inquiétants. Le directeur de la DPJ des Laurentides à ce moment, Denis Baraby, fait état de « problèmes de mariages forcés de jeunes filles de 14 et 15 ans ainsi que de problèmes de négligence majeurs ».
Dans des documents internes, la DPJ fait aussi état de graves problèmes d’hygiène. En vertu des règles de pureté et de modestie féminine, les petites filles ne pouvaient jamais enlever leurs bas, pour ne pas voir leur propre peau, même en prenant une douche ou un bain. Beaucoup d’enfants ont ainsi développé des problèmes de champignons.
> La suite sur Radio-Canada.