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Fillette battue à mort : La réforme Barrette et le PLQ sur le banc des accusés

Katia Gagnon >

« On leur a dit qu’il était minuit moins une ! » La personne qui lance ce cri du coeur est au service de la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de l’Estrie. À plusieurs reprises, elle a dénoncé haut et fort, à la haute direction, les conditions de travail « intolérables » des intervenants de la région.

« Le rythme est insoutenable », résume-t-elle en entrevue avec La Presse. Nous lui avons garanti la plus totale confidentialité, car elle risque de perdre son emploi.

« Cette tragédie, c’est un symptôme de la situation qu’on vit. J’ai des dossiers qui sont en attente depuis quatre, cinq mois. J’ai eu un cas à neuf mois d’attente. Ces cas, c’est des enfants qu’on laisse dans la misère humaine. À plusieurs reprises, je me suis choquée. Je leur ai dit que ça n’avait pas de bon sens. Qu’on avait atteint le point de rupture », explique-t-elle.

Notre interlocutrice situe la racine de ce point de rupture en 2015, lorsque la réforme Barrette a fusionné les défunts centres jeunesse dans le grand ensemble des centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS) de chaque région. 

« Ça n’a vraiment pas aidé. C’est là qu’on a vu le crash, intense. Ça nous a complètement noyés dans le système de santé. Il y a eu un tournant qui est irrécupérable. »

– Une employée de la DPJ de l’Estrie, sous le couvert de l’anonymat

Lors de ces conversations, les membres de la haute direction semblaient « dépassés » par le manque de ressources, relate-t-elle. Ce n’est pas l’argent qui manque, mais les intervenants. « On les a, les budgets, mais ils ne sont pas capables de recruter ! Parce que, pour recruter, ça prend des conditions de travail adéquates… »

Et elle n’est pas la seule à dénoncer les conditions de travail dans le milieu.

« Ça fait des années que les syndicats dénoncent cette réalité. Il y a une hausse du nombre de signalements, mais pas plus de personnel pour faire notre travail. Le résultat, c’est que les urgences tassent les autres dossiers », s’insurge Emmanuel Breton, représentant pour l’Estrie de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Il y a actuellement 400 enfants en attente d’évaluation à la DPJ de l’Estrie. La durée moyenne d’attente pour les cas non urgents est la plus élevée au Québec, à 65 jours.

Intervenants sous le choc

Au lendemain de la mort de la fillette, les intervenants de la DPJ locale étaient sous le choc, dit-il. « C’est la dévastation pour toute l’équipe. Tout le monde a les yeux rouges, on a des frissons en entrant ici. Il y a des intervenantes qui sont allées sur le terrain les yeux pleins d’eau. »

Ce terrible drame provoquera-t-il un électrochoc qui fera changer les choses ? Emmanuel Breton y compte bien. « Ce n’est pas vrai qu’elle va être morte pour rien, lance-t-il. C’est beau, la colère des politiciens, mais l’ancien gouvernement a coupé des millions. De dire que l’austérité n’a pas touché les gens, c’était archifaux. »

« Moi, je dis aux politiciens : venez, écoutez les gens, on va se parler des vraies choses. Si on n’en veut plus, d’autres décès, il va falloir changer des affaires. »

– Emmanuel Breton, représentant pour l’Estrie de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux

Il y a trois mois, La Presse a publié un dossier d’envergure qui révélait qu’une politique de quotas semblait être appliquée dans plusieurs DPJ de la région de Montréal. Une dizaine d’intervenants nous racontaient l’intense pression qu’on leur faisait subir, jour après jour, pour « faire leurs chiffres ».

Faire leurs chiffres, c’était atteindre, dans le secteur de l’évaluation-orientation, la barre magique des 52 à 57 dossiers traités par an. De nombreuses personnes que nous avions interviewées déploraient le fait que la manière comptable menait souvent à des raccourcis cliniques. « Il y a vraiment des quotas à respecter et, dans les faits, c’est impossible si on regarde le nombre d’heures dans une semaine », nous disait une intervenante.

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Un commentaire

  1. Il n’y a pas que la (direction de la) DPJ imputable eu égard à l’amplitude et au degré de négligence agis à l’endroit d’enfants au Québec. C’est là en effet un fait social, sociétal, familial et politique ‘total’, i.e. embrassant et concernant tout le monde, d’A à Z.

    Sceptiques ? Constatez.

    Il y aura bien eu, n’est-ce pas, ce ‘ben bon gars’ venu faire apologie ou promotion dynamique, ponctuellement, d’« Un Québec fou de ses enfants ». Censément. Or, lui-même, le dernier, a fini, fin d’an passé, par reconnaître qu’on « l’a pas », mais pas du tout, au Québec, vis-à-vis la maltraitance d’enfants pullulant chez nous, à l’égard de laquelle il y a « déni collectif ».
    https://www.lapresse.ca/actualites/201911/26/01-5251317-maltraitance-denfants-nous-avons-echoue-deplore-camil-bouchard.php

    Que, de siècle en siècle, r’adviennent de même cas, identiques, de petites martyrisées, est là pour en témoigner crûment.

    Si bien qu’a-t-on là, d’emblée, la toute première explication de ce pourquoi c’est, de pourquoi cela perdure ainsi : la société québécoise ‘as a whole’, séculairement, n’aime pas les enfants. Fait aussi brutal qu’incontestable. Tel qu’énoncé de mille et une façons par mille et une personnes.

    De Geneviève Pettersen
    https://fr.chatelaine.com/societe/un-quebec-fou-de-ses-enfants/

    à Sylvain Lévesque (maintenant député de Chauveau)
    https://www.journaldequebec.com/2017/01/05/un-quebec-qui-se-fout-de-ses-enfants

    en passant par Isabelle Picard (« Le Québec est la seule province où les avions-hôpitaux ne sont pas équipés de sièges pour accueillir des parents ou des proches lors de transports aéromédicaux. »)
    https://plus.lapresse.ca/screens/8541b325-3fbe-491a-aa46-88bf79eec190__7C___0.html

    Le ‘verdict’ s’avère unanime : le Québec, les Québécois.es n’aiment résolument pas les enfants = c’est au Québec, où il ‘se faisait’ le plus d’enfants…, que ceux-ci y sont le moins ‘bienvenus’.

    Si bien que…
    Comme disait l’autre, LA Raison pour laquelle adviennent tant d’événements « fâcheux » — (pour employer un euphémisme) — au Québec à propos d’enfants (‘oubliés’, négligés, maltraités, violentés, battus, abandonnés, quand ce n’est pas tués même); c’est « parce qu’au Québec c’est comme ça qu’on vit ». (C’est comme ça qu’on est). Il ne croyait pas si bien dire. Car…

    Lui-même, de son faîte politique, à ce moment-là même, à la façon dont il mettait en oeuvre précipitammissimement, voire rétroactivement, sa loi laïcité, illustrait on ne peut mieux à quel point des gouvernements québécois, l’un après l’autre, peuvent s’en foutre et s’en ficher royalement de la souffrance d’enfants, au point de ne même pas hésiter une seule seconde à l’accroître, au lieu d’oeuvrer à l’atténuer, la limiter, la faire diminuer ou viser à la faire se résorber jusqu’à disparaître entièrement, si possible ou ‘réaliste’…, souhaitablement.

    Car, on le sait, quantité d’enfants manquent d’à peu près tout à l’école, ces années-ci. D’écoles…, justement, oui. Puis d’écolocal, en général, pourrait-on dire, de classes, d’espaces de toutes sortes, convenables. Ainsi qu’en tout premier, de ressources humaines, à commencer par des enseignantes, n’est-ce pas? Or, nonobstant cela, nonobstant ce savoir qu’il n’est rien par quoi d’innombrables enfants souffrent plus qu’en raison de ce manque criant d’enseignante(s), alors qu’on n’en a jamais ouï se plaindre de la tenue vestimentaire d’une enseignante leur; au lieu de prendre en compte cette donnée et, partant, surseoir à la mise en vigueur de sa loi relativement à cet aspect de celle-ci, i.e., donc, au lieu d’a l l o n g e r la clause grand-père de manière à ce que tout le personnel enseignant disponible ou allant l’être sous peu puisse enseigner, attendu qu’il n’est RIEN par quoi souffrent davantage des élèves qu’en raison dudit manque dramatique d’enseignante(s); eh bien, ce premier ministre, ce gouvernement ont agi exactement l’inverse; soit devancer, s.v.p., ledit moment d’entrée en vigueur de la loi, y compris à ce chapitre. Tragique. Privant ainsi, immédiatement, davantage encore d’enfants de ce dont ils souffrent le plus – du manque d’enseignantes. Si bien que…

    S’il se trouve encore, au pays du Québec, quelqu’un.e, doutant encore (bis) après cela, qu’au Québec, ET une majorité de sa population ET ses gouvernements successifs demeurent délibérément indéfiniment dans l’obnubilation volontaire et le « déni collectif » face à la souffrance d’enfants, dont elle et ils se fichent en réalité éperdument, et qu’elle et ils engendrent, elle et eux-mêmes… (!)

    « Morale » ? Une dame l’aura on ne peut mieux posée, l’an passé, sous forme de questionnement :

    « Il faut se demander collectivement pourquoi il en est ainsi. Pourquoi le nombre de signalements augmente-t-il sans cesse? Pourquoi tant d’enfants aboutissent-ils à la DPJ? […] Nous sommes dus pour un examen de conscience collectif ».

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