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Madame la mairesse de Montréal,
C’est aux Outaouais, aux Algonquins, aux Hurons, aux Montagnais et aux Abénakis qu’il faut rendre hommage à la place d’Amherst, pas aux Mohawks, qui scalpaient nos ancêtres et nos amis amérindiens !
La mairesse de Montréal a annoncé à la veille de la Fête nationale qu’elle radiait le nom de la rue Amherst pour le remplacer par un nom mohawk. Elle fait dès lors la même erreur que le maire Coderre avait faite avant elle. Elle confond les nations amérindiennes.
Il est vrai que le général Amherst a ordonné de remettre des couvertures infestées de variole aux Outaouais de Detroit, les derniers résistants aux Britanniques en 1763, pour mettre fin à leur combat héroïque. C’était pour refuser l’entrée en vigueur du Traité de Paris, au bout de ce que les Américains ont appelé The French and Indian War.
Les Outaouais étaient des ennemis des Mohawks, c’est limpide. Ils étaient plutôt en fait dans cette guerre alliés des Hurons, des Miamis, des Ojibways, des Potawatomis, des Shawnees, des Renards, des Winnebagos et des tribus algonquines, contre les Britanniques, surtout pas alliés aux Iroquois, les seuls appuis des Britanniques chez les Amérindiens, eux qui étaient d’ailleurs installés sur le territoire américain, et non pas au Canada.
Pontiac était le chef des Outaouais. Un grand chef, comme Ghislain Picard de nos jours, chef des Montagnais de la Côte-Nord, ceux qu’on appelle maintenant les Innus.
C’est lui, Pontiac, qui mérite de marquer de son nom la rue Amherst, dans une revanche de l’histoire. Pontiac n’a qu’un tout petit bout de rue ridicule à Montréal, qui porte son nom, tout comme Henri IV, le roi qui a missionné Champlain pour fonder Québec et le Canada, mais qui n’a droit qu’à 100 m qui n’aboutissent nulle part, sauf dans une cartonnerie, et bien entendu pas de musée.
Les Mohawks n’ont rien à voir là-dedans. Le grand chef Ghislain Picard, de la Côte-Nord, le sait bien puisqu’il appartient aux Montagnais, aux Innus, comme on aime à le dire depuis quelques années. Car les Montagnais ont été les premiers interlocuteurs, les premiers signataires de l’Alliance franco-indienne avec Champlain, et ce, dès 1603 à Tadoussac.
Ce sont eux, les Montagnais, qui ont présenté les Algonquins, les Micmacs, les Hurons, les Abénakis, les Atticamègues et les Malécites à Champlain, toutes nations qui lui ont demandé de venir combattre avec eux contre les Iroquois (notamment les Mohawks), leurs ennemis, au lieu qui fut nommé le lac Champlain, où il fut blessé, à la frontière du Canada.
Le territoire des Mohawks était clairement aux États-Unis, mais ceux-ci venaient faire des razzias contre les Amérindiens de la vallée du Saint-Laurent, notamment par la rivière Richelieu, la continuation de l’Hudson. Les Mohawks étaient installés sur la rivière Mohawk, entre Chenectady, sur l’Hudson, et le sud du lac Ontario. Autrement dit, ils avaient installé leurs villages aux États-Unis. Ils n’ont jamais été de Montréal.
Le maire Coderre aurait plutôt dû rendre hommage aux ancêtres des Algonquins qui avaient leurs tentes sur le flanc du mont Royal, quand Jacques Cartier y est venu en 1535, un village qui avait disparu lorsque Champlain s’est amené à son tour après 1613, au lieu que Cartier avait nommé le mont Réal.
Les Iroquois ou Mohawks ne sont par conséquent venus à Montréal que bien plus tard pour massacrer des Français et d’autres Amérindiens, par surprise, pour les scalper !
C’est bien plus tard, longtemps après le traité de 1701, que les Jésuites ont finalement consenti à recevoir des Amérindiens, qui fuyaient le plus souvent des nations iroquoises, dans leur seigneurie du sud de Montréal, qui a été appelée Caughnawaga.
Sur ce territoire jésuite, quelques Amérindiens domiciliés se sont installés, surtout des Hurons qui avaient été tenus en esclavage par les Iroquois et qui fuyaient. Ils étaient considérés comme des Iroquois à leur corps défendant, parce que prisonniers, pour ne pas être scalpés.
Aux États-Unis, comme on le sait, il y a eu un quasi-génocide des Amérindiens.
Ce n’est pas le cas au Canada, surtout pas avec les Français. Au contraire, les Montréalais et les Québécois sont ceux qui ont le mieux reçu chez eux et vécu avec les Amérindiens, ils les ont bien traités et leur ont offert plusieurs sites pour se réfugier, après les défaites des Amérindiens contre les Anglais et les Iroquois, près de Québec et de Montréal, pour les protéger justement.
On ne peut pas dire du tout que les Torontois ont fait la même chose que les Français avec les Amérindiens. Or, aujourd’hui ce sont les Montréalais qu’on pointe du doigt, et non pas les Torontois, ni les habitants du lac Érié, ni les Américains. C’est le monde à l’envers.
Les Iroquois n’ont donc pas à recevoir d’hommage des Montréalais. Tout ce qu’ils ont fait, c’est de massacrer nos ancêtres et les Amérindiens de la vallée du Saint-Laurent pendant des siècles.
C’est ridicule d’en voir certains aujourd’hui revendiquer ce territoire. Ils n’étaient pas d’ici et c’est plutôt aux autres nations amérindiennes qu’il nous faut rendre hommage à Montréal. Car elles ont été nos alliées depuis le début de la Nouvelle-France, en 1603.
Ce geste de la mairesse Plante me fait penser à ces parlementaires et historiens d’Ottawa qui ont décidé de rendre hommage aux Haïdas de Colombie-Britannique sur les rives de la rivière des Outaouais.
Nul hommage aux Outaouais, là non plus, pour ceux qui ont finalement donné leur nom à cette rivière, après leur extermination par Amherst, à Detroit, près du lac Érié, non plus qu’aux Algonquins, nos alliés qui avaient donné leur nom, à l’époque de Champlain, à ce qui fut d’abord la « Grande rivière des Algonquins », avant de devenir « la rivière des Outaouais ».
À Ottawa, ce sont les Amérindiens de la côte Ouest qui sont honorés sur la rivière des Outaouais, en face du parlement. Une absurdité géographique !
Lire l’article de Jean Chartier en intégralité sur La Presse.