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Le clan Bronfman : Contrebande, délits d’initiés, dérives sectaires et financement libéral

Éric Pilon >

Clare et Sara Bronfman ont fait les manchettes récemment, mais elles ne sont pas les seules membres de cette célèbre fratrie à avoir été mêlés à des intrigues savoureuses.

Car Bronfman est un nom qui résonne depuis plus d’un siècle au Québec. C’est ici même, à LaSalle, que la famille avait établi la distillerie de son whisky Seagram. Un whisky qui coulait à flots durant les années de la Prohibition aux États-Unis (1918-1933), à tel point que « Bronfman » a fini par devenir synonyme de « bootlegging » (contrebande).

Alcool, caramel et acide sulfurique

Le fameux whisky des Bronfman était un joyeux mélange d’alcool, d’eau et de caramel, des produits auxquels on ajoutait une pincée d’acide sulfurique. On peut imaginer l’estomac ravagé des grands buveurs de l’époque, mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est la proximité de la famille, menée par Samuel, avec le crime organisé. Une proximité qui s’avéra fatale en 1922 avec l’assassinat dans le village de Bienfait, en Saskatchewan, du beau-frère de Samuel, Paul Matoff.

Les millions engrangés grâce à la vente d’alcool distribué à la mafia américaine ont certes permis de gonfler les coffres des Bronfman, mais pas celles du trésor canadien. En 1927, le gouvernement Mackenzie King ouvrit une enquête sur la famille pour évasion fiscale, enquête qui n’alla toutefois nulle part. En 1934, on évaluait à 5 millions le montant des taxes impayées par la fratrie. Comme quoi la richesse se construit en certaines occasions sur le dos des contribuables.

Les infortunes d’Edgar Jr

À la mort de Samuel, son fils Edgar Sr prit les rênes de la compagnie familiale. Un homme sans histoire, semble-t-il, au contraire de son rejeton, Edgar Jr, qui a tout fait basculer en juin 2000. L’alcool n’intéressait visiblement pas « junior », qui préférait le côté « glamour » des industries du cinéma et de la musique. En 1995, il acquit les studios MCA Universal et leur prestigieux catalogue ; trois ans plus tard, ce fut au tour de Polygram d’être avalé par l’équipe Seagram.

Son gros coup, Edgar le frappa le 21 juin 2000 quand il céda le groupe créé par son grand-père contre une participation familiale de 8 % dans Vivendi, qui devint Vivendi-Universal, le deuxième plus gros joueur de l’industrie du divertissement. Un joueur qui, toutefois, a vite perdu son pari : en 2002, la compagnie était au bord de la cessation de paiements avec des pertes d’un milliard par mois. Un an plus tard, ses actions avaient déjà perdu 87 % de leur valeur. Trois ans auront suffi pour faire perdre trois milliards à la famille Bronfman.

Edgar n’était malheureusement pas au bout de ses peines. Il fut accusé, en 2011, de délits d’initiés en rapport avec des opérations qu’il avait effectuées sur l’action de Vivendi Universal en 2002. Pour ce fait, il obtint une sentence de 15 mois de prison avec sursis et lui fut imposé une amende salée de 6,7 millions de dollars.

Un drôle de « pistolet »

En mars 2018, le FBI, évoquant des « crimes contre l’humanité », arrêtait Keith Rainiere, un gourou accusé d’avoir exploité un réseau d’esclaves sexuelles américaines, canadiennes et mexicaines. Ce qui alerta la presse au pays, c’est que l’homme nageait dans les millions grâce à deux bailleurs de fonds bien connus : Clare et Sara Bronfman, les deux filles d’Edgar Sr et demi-soeurs d’Edgar Jr.

Rainiere avait mis sur pied une société, NXIVM (prononcer « Nexium »). Il y agissait comme « coach » de vie, pour ainsi dire, offrant des cours dont le prix pouvait s’élever jusqu’à 7 500 dollars. C’est Sara Bronfman, la première, qui se laissa emporter par l’Executive Success Programs, la prédécesseure de NXIVM, en suivant certains de ses ateliers. Elle convainquit Clare de la rejoindre.

Dès 2003, le magazine Forbes, dans un article percutant, dépeignait Raniere comme un homme étrange et « manipulateur », qui n’avait ni permis de conduire ni compte bancaire à son nom, bien que NXIVM fût une usine à profit. Malgré le réquisitoire de Forbes, en août 2004, lors d’une célébration du cercle Rainiere appelée Vanguard Week, Clare et Sara offraient au gourou un chèque de 20 millions de dollars. En tout, les deux femmes allaient engouffrer 150 millions dans le projet ; 150 millions qui auront surtout servi à éponger les dettes de Rainiere et à couvrir ses mauvais investissements, entre autres dans le marché de l’immobilier.

Il y avait autre chose de plus inquiétant au sujet de cette société quasi secrète : l’esclavage sexuel. Le groupe avait en effet monté un réseau d’esclaves sexuelles qui profitait surtout au gourou. Et c’est ici que l’implication de Clare et de Sara Bronfman prend tout son sens, car les deux dames auraient été au courant de la présence d’un tel réseau. Clare a d’ailleurs plaidé coupable, le 19 avril dernier, à des accusations d’association de malfaiteurs pour cacher des clandestins et d’usurpation d’identité.

Quant à Sara, elle fait l’objet d’un recours collectif déposé à la Cour suprême de Brooklyn. Elle est accusée d’avoir « piégé » des personnes dans un « stratagème frauduleux à l’échelle nationale » en rapport avec NXIVM.

Il faut sauver Ira

Clare et Sara Bronfman suivaient les traces d’une autre femme de la célèbre famille, Barbara Bronfman, l’ex-femme de Charles, le premier propriétaire des Expos de Montréal. Pour des raisons que seule Mme Bronfman connaît, elle s’était associée elle aussi à un gourou, Ira Einhorn, un « héros » de la contre-culture des années 70. Un héros dont la vie s’est transformée du tout au tout en septembre 1978 lorsqu’il assassina Holly Maddux, sa petite amie qui venait de le quitter, dans un appartement de Philadelphie.

Arrêté quelque temps plus tard, Einhorn a réussi à s’enfuir après avoir été libéré grâce à une caution de 40 000 $ payée par… Barbara Bronfman. La cavale du gourou aura duré plus de deux décennies. Il aura été vu, entre autres endroits, en Nouvelle-Écosse, à Dublin et à Stockholm, où il rencontra une riche héritière du nom d’Anikka Flodin. Les deux tourtereaux déménagèrent dans le village français de Champagne-Mouton, où, en 1997, Einhorn fut arrêté. Il put malgré tout profiter de cinq autres années de liberté grâce à une échappatoire de la justice française.

Un jury de Philadelphie le déclara finalement coupable en 2002 de meurtre au premier degré, ce qui entraîna automatiquement une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle.

Stephen Bronfman, Justin Trudeau et les Paradise Papers

Le fils de Barbara Bronfman, Stephen, est un grand admirateur du Parti libéral (PLC) et ami de Justin Trudeau. Or, si l’on se fie à des documents découverts dans les Paradise Papers, Bronfman et Leo Kolber, tous deux argentiers du PLC, avaient été impliqués ensemble dans une structure complexe qui avait amassé 60 millions de dollars américains placés dans une société offshore dans le paradis fiscal des îles Caïmans.

> Lire la suite de l’article archivé d’Eric Pilon

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Un commentaire

  1. Que dire des Bronfman qui ont migré vers le Québec en 1930, mais pas de l’Europe ?

    La famille Bronfman et l’histoire du Canada
    « Harry Bronfman était riche, il était libéral, mais plus que tout il était un contrebandier de boissons alcooliques et un Juif ». – James H. Gray, l’Ordre du Canada en 1988

    Suite aux recommandations d’une commission royale concernant les douanes et accises, des accusations furent portées contre Harry Bronfman en 1930. Ceci résulta dans une accusation pour pot-de-vin, pour avoir soudoyé un membre du jury au Manitoba. Suite à ces démêlés avec la justice, l’empire Bronfman déménagea ses pinacles au Québec.

    Est-ce que ce volet de l’histoire canadienne a été exploité dans les séries Historica?????

    Bien que la famille Bronfman soit de religion juive, le patriarche Yechiel immigra dans l’ouest canadien bien avant l’holocauste, à savoir au dix-neuvième siècle. Ce dernier, le père de Abe, Harry et Sam, anglicisa son prénom à Ekiel et par la suite à Ezekiel.

    Voir les deux livres de James H. Gray du Winnipeg Free Press, à qui on a décerné the Alberta Order of Excellence en 1987 et l’Ordre du Canada en 1988, qui documentent les origines de la fortune et de l’entreprise Bronfman, à savoir :

    1. « Red Lights on the Prairies », Macmillan of Canada, Toronto, 1971, qui traite de la prostitution.
    2. « Booze » : when whiskey ruled the West, Macmillan of Canada, 1972, qui traite du commerce illégal de l’alcool lors de la prohibition.
    À la page 185 du second livre, on qualifie Harry Bronfman comme suit : « He was rich, he was liberal, but most of all he was a « bootlegger » and a Jew ». Traduction: « Il était riche, il était libéral, mais plus que tout il était un contrebandier de boissons alcooliques et un Juif ».

    Dans ces livres, les thèmes suivant de l’histoire du Canada sont traités :
    • Les Orangistes, les alliés du KKK au USA,
    • Le Ku Klux Klan,
    • L’élimination des droits des francophones,
    • Le racisme contre les chinois et les hindous, « Cleaning out the Chinks »,
    • La discrimination raciale contre les noirs.
    http://en.wikipedia.org/wiki/James_H._Gray

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