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Accusations de viols : pourquoi la presse est-elle complaisante avec l’islam ?

Christian Rioux >

Avez-vous entendu ce silence assourdissant ? Le monde est ainsi fait. Certaines nouvelles font un vacarme alors que d’autres tout aussi graves passent parfois inaperçues. Admettons-le, c’est souvent une question de hasard. Mais pas toujours.

Ces jours-ci, nous en avons un exemple éclatant sous les yeux. Alors que les affaires Rozon et Weinstein ont eu avec raison un retentissement médiatique immédiat, les révélations pourtant aussi affolantes sur le prédicateur musulman Tariq Ramadan ont été accueillies avec une étonnante retenue, pour ne pas dire par un silence de mort dans certains milieux.

En France et au Québec, jusqu’à cette semaine, on avait plus parlé de la minuscule manifestation devant la Cinémathèque de Paris contre la rétrospective du cinéaste Roman Polanski, accusé d’un viol qui remonte aux années 1970. Heureusement, cette rétrospective a été courageusement défendue par la ministre française de la Culture, Françoise Nyssen, au nom d’une distinction essentielle : celle qu’il faut faire entre une oeuvre et son auteur.

Les faits reprochés à Tariq Ramadan sont pourtant renversants. Le petit-fils du fondateur des Frères musulmans, Hassan El-Banna, est l’objet de deux plaintes déposées par des Françaises alors converties à l’islam. Le prédicateur les aurait battues, violées et séquestrées en les attirant dans sa chambre d’hôtel sous prétexte de discuter religion. On ne parle pas ici de simples allégations, mais de témoignages circonstanciés très détaillés qui sont l’objet d’une enquête préliminaire et qui sont jugés « accablants » par nos collègues du quotidien Le Monde qui ont eu accès aux dépositions. Rien à voir avec l’exhibitionnisme présumé d’un animateur de télévision.

Gilbert Rozon et Harvey Weinstein n’ont jamais été des parangons de vertu. C’est le moins qu’on puisse dire. Ce n’est cependant pas le cas de cette rock star de l’islamisme. Adoubé par une partie de la gauche, Tariq Ramadan prêche depuis des années un islam vaguement réformé mais le plus souvent rigoriste. Il incite notamment les femmes à porter le voile, à n’avoir de rapports sexuels que dans le cadre du mariage et à ne pas fréquenter les piscines mixtes. Malgré la renommée du prédicateur, en France comme au Québec, il a fallu attendre une seconde plainte pour viol déposée une semaine après la première pour que l’affaire sorte du néant médiatique. Alors que tous ceux qui ont fréquenté Rozon et Weinstein ont pris leurs distances, on n’a encore rien vu de tel autour de Tariq Ramadan. Pendant ce temps, la première plaignante, l’écrivaine Henda Ayari, a été menacée par des inconnus de se faire « suicider dans la Seine ». On ne s’attaque pas impunément à une icône de l’islamisme, surtout quand on n’est pas une vedette d’Hollywood.

 

Le magazine anarcho-trotskyste a reçu des centaines de menaces de morts suite à cette couverture

 

Chez les organisations musulmanes de France, l’omertà demeure à peu près complète. Seul le site Oumma en a parlé aussitôt. Il aura fallu dix jours pour que les féministes musulmanes de Lallab se disent « du côté des victimes ». Des proches se sont portés publiquement à la défense de Ramadan, accusant ses détracteurs d’être à la solde d’Israël. « Campagne de calomnies », tranche le principal intéressé sur Internet. Une parole suivie par des centaines de milliers de personnes ! Même silence pesant chez ceux qui, au Québec, invitent régulièrement Tariq Ramadan depuis au moins une décennie, parfois plusieurs fois par année. Le prédicateur n’a d’ailleurs jamais hésité à s’ingérer dans la politique québécoise. En 2012, il avait demandé aux musulmans québécois de ne pas voter pour le Parti québécois à cause de la charte de la laïcité.

En Grande-Bretagne, patrie du communautarisme, le silence est encore plus accablant. Le prédicateur a beau enseigner à l’Université Oxford dans une chaire financée par le Qatar, la vénérable institution s’est contentée d’un plat communiqué pendant que la presse évoquait à peine le sujet. Rien à voir avec le rejet qui s’est abattu sur le vice-premier ministre britannique, Damian Green, accusé d’avoir posé sa main sur le genou d’une militante conservatrice.

Comment expliquer ce double traitement sinon par le communautarisme qui gangrène nos sociétés et nombre de nos médias ? Certes, Ramadan est présumé innocent par la justice, mais pas plus que Weinstein et Rozon. Pour certains, tout se passe en effet comme si cette affaire concernait d’abord ou uniquement les musulmans. À moins que ce soit la peur de passer pour« islamophobe ». Une accusation qui ne pardonne pas en cette saison de lynchage sur Internet.

Le même phénomène avait suivi les centaines d’agressions sexuelles commises principalement par des Maghrébins à Cologne le 1er janvier 2016. Nombre de médias et d’organisations féministes avaient préféré se taire de peur de faire le jeu des xénophobes et de l’extrême droite.

Or qu’y a-t-il dans ces silences gênés sinon une forme de mépris à l’égard des musulmans ? Comme si ces derniers n’étaient pas des citoyens comme les autres, pour le meilleur comme pour le pire. En quoi l’omertà à l’égard de Tariq Ramadan serait-elle plus tolérable que le silence de ceux qui auraient protégé Rozon et Weinstein ? Il est là, le véritable racisme de notre époque.

 

Lire l’article sur Le Devoir.

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