La défaite de Clinton – la victoire du social sur le sociétal

Alexandre Cormier-Denis

Depuis la victoire de Donald J. Trump à l’élection présidentielle américaine, nos petites élites médiatico-politiques se déchaînent. L’Américain mâle blanc hétérosexuel, raciste et misogyne, poussé par ses préjugés, son manque d’éducation et sa colère, aurait porté au pouvoir un proto-fasciste et un déséquilibré mental – voire un psychopathe – en raison de son incapacité à saisir les vrais enjeux de ce scrutin. Cette élection, qui ne devait être qu’une espèce de formalité cosmétique remettant au pouvoir un membre de l’establishment politicard washingtonien, semblait pourtant jouée d’avance à en croire nos experts sondeurs. Pourtant, en quelques heures, lors du dévoilement des résultats électoraux, État par État, grand électeur par grand électeur, la narration médiatique – principal organe de propagande libérale-libertaire – s’est tranquillement décomposée sous nos yeux.

La candidate de l’establishment a été battue par quoi ? Ni par l’argent, ni par le vote ethnique…

Pschitt !

Le ballon triomphaliste de la mondialisation heureuse s’est dégonflé. Il vient de se faire propulser loin dans l’atmosphère. La candidate démocrate, Mme Hillary Rodham Clinton, s’en était prise au slogan de campagne de The Donald – le fameux MAGA (Make America Great Again) – en affirmant que les États-Unis étaient déjà « great » et qu’il n’y avait donc pas besoin de revenir à une grandeur qui n’a jamais été perdue.

Erreur fatale d’appréciation.

La mondialisation déchaînée que subissent les États-Unis – et par le fait même, l’ensemble du monde – ne fait pas que des heureux. La financiarisation, la désindustrialisation, les délocalisations massives, les pertes d’emplois pour les classes populaires, l’imposition du multiculturalisme et de l’immigration de masse, l’insécurité culturelle et la culpabilisation permanente des populations « autochtones » sur leur passé national et leur mode de vie auront eu raison de la vision jovialiste de la société américaine.

Détroit, symbole par excellence de la déchéance américaine

Non, tout n’est pas « great » aux États-Unis: des anciennes villes industrielles sont complètement abandonnées; plus de 100 millions d’Américains en âge de travailler se trouvent sans emplois (!); 45 millions se nourrissent grâce à de coupons alimentaires (food stamps), des infrastructures dignes du Tiers-Monde jalonnent son territoire; les tensions raciales n’ont jamais été aussi vives depuis les années 60 alors qu’il y a en poste un président noir; les guerres impérialistes ont laissé un goût amer à une grande partie de la population, sans parler de l’accroissement époustouflant des inégalités économiques depuis les vingt dernières années.

Dans ce contexte, il ne faut pas être un génie pour comprendre que le camp de la continuité incarné par Clinton était facile à décrédibiliser. La gauche américaine, comme l’ensemble de la gauche occidentale, a depuis longtemps oublié le prolétariat et les couches populaires pour se concentrer sur la défense des minorités. Féministes, LGBT, minorités ethniques, culturelles et religieuses, marginaux de toutes sortes, artistes « engagés » et tutti quanti : voilà ce qui forme désormais la base sociologique de la gauche occidentale. En délaissant la protection du prolétariat et des classes moyennes par son engagement dans le libre-échangisme intégral, le parti démocrate a uniquement conservé son image de parti de gauche par sa défense des luttes sociétales.

Le combat sociétal, ce n’est pas la « question sociale » comme on l’entendait encore au XXe siècle. Ce n’est plus la question des inégalités de richesse ou du mode de production qui est aujourd’hui en jeu pour la gauche occidentale. Ce sont les questions sociétales qui ont remplacé idéologiquement la défense des ouvriers. Autrefois championne de la défense de la majorité paupérisée contre une minorité possédante, la gauche contemporaine puise ses appuis dans l’alliance de toutes les minorités contre la majorité historique représentée de manière caricaturale par cet « homme blanc en colère » qui n’aurait rien compris au sens de l’Histoire. À l’avant-garde du progressisme – le mariage gai, la théorie du genre, l’antiracisme culpabilisateur, le multiculturalisme, la fin des frontières, etc. – la gauche américaine a tout misé sur le combat sociétal au détriment de la défense des intérêts des travailleurs.

Il fut un temps où la gauche n’avait pas peur de l’homme blanc en colère

Nulle surprise donc à constater que la couronne industrielle au sud des Grands Lacs, traditionnellement démocrate, ait voté pour le candidat promettant un protectionnisme économique, une politique de réindustrialisation et un programme de restauration des infrastructures. Là où Clinton promettait plus de diversité postmoderne, The Donald promettait de restaurer l’Amérique industrielle qui a fait la fierté de générations entières. Elle en appelait à l’union de toutes les minorités tandis qu’il portait sur la scène politique les revendications populaires des masses des travailleurs laissés-pour-compte de la mondialisation.

Devant cette horreur que représente la victoire de l’enracinement du peuple sur les forces de la déconstruction, la gauche sociétale crache désormais tout son mépris sur cet électorat qu’elle ne comprend plus. Comme pour expliquer le Brexit, nos petites élites se consolent en attribuant leur défaite sur le manque d’éducation et les préjugés racistes des classes populaires. La gauche, jadis championne des gens ordinaires, crache maintenant sur ces derniers. Pas étonnant donc que « les pauvres votent à droite » devant le mépris souverain dont ils sont victimes de la part de la bien-pensance médiatique généralement acquise aux thèses mondialistes.

La nouvelle marotte progressiste: la lutte pour les droits des trans

Les journalistes, souvent très bien payés, appartiennent généralement aux couches urbaines, scolarisées et victorieuses de la mondialisation. Leurs réflexes sociologiques sont ceux des élites qui ne comprennent pas les angoisses populaires; ils ne les partagent pas. Ainsi s’explique leur peur du peuple qui se transforme en haine lorsque ce dernier ne vote pas comme prévu. Cette populophobie médiatique engendre à son tour une désaffection des masses envers les médias traditionnels qui se tournent de plus en plus vers des sources d’informations alternatives par le billet d’Internet.

Ainsi, la victoire de Donald J. Trump ne signifie pas le triomphe de la misogynie et du racisme, mais bien la victoire du social sur le sociétal. La classe politique québécoise, au lieu de larmoyer devant la victoire du tribun aux cheveux improbables, devrait en tirer toutes les conséquences. Espérons que le mouvement souverainiste saura faire une réelle introspection sur ses positions mondialistes afin de renouveler son logiciel idéologique et entrer dans le combat qui attend les patriotes du XXIe siècle.

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