Jérôme Blanchet-Gravel >
Au Québec, en septembre 2013, 100 professeurs de collège et d’université publiaient une lettre dans les médias pour dénoncer ce qu’ils considéraient comme une très grave atteinte aux droits de la personne : le projet de charte de la laïcité du Parti québécois. Il faut rappeler que la laïcité n’existe pas au Québec, province canadienne dont l’héritage britannique ne consacre pas officiellement la séparation de la religion et de l’État.
Deux mois plus tard, en décembre 2013, 112 professeurs de l’université de Montréal récidivaient en publiant un autre texte contre la laïcité et son éventuelle application dans le milieu universitaire. À la même période, 60 autres professeurs signaient un mémoire déposé à une commission parlementaire de l’Assemblée nationale pour attaquer ce grand projet qui vise à rompre avec le multiculturalisme anglo-saxon. Un projet qui n’a finalement jamais vu le jour.
Oui à la diversité culturelle, non à la diversité intellectuelle
Lors du grand débat sur la laïcité qui a eu lieu en 2013 et 2014, les universitaires québécois se sont presque montrés unanimes. La laïcité serait une politique raciste et xénophobe, elle nuirait à l’intégration de ces rédempteurs démographiques venus des pays chauds. Le consensus était tellement fort qu’il en était préoccupant. On disait oui à la diversité culturelle, mais non à la diversité intellectuelle. Prôner le modèle républicain était vu comme une hérésie dans les monastères de la connaissance.
Ce débat nous a fait prendre conscience que le multiculturalisme comptait sur de nombreuses églises académiques. Sans que toute la population québécoise ne le réalise, un immense fossé a été creusé entre elle et sa prétendue intelligentsia. En bons missionnaires, les universitaires ont décidé qu’ils allaient guider les brebis égarées de l’indomptable peuple xénophobe.
Ce n’était que le début. Mon expérience de doctorant m’a permis de constater que le préjugé multiculturaliste des universitaires s’était encore renforcé. Les idées dissidentes sont censurées. La remise en cause de la liberté d’expression est directement liée à l’imposition de ce nouveau dogme qui prend la défense de toutes les cultures – sauf de la nôtre, bien évidemment.
L’islam est une religion de paix et d’amour
Mon premier contact avec la censure remonte toutefois au baccalauréat. En remettant un travail sur l’islam en France, une prof de science politique de l’Université de Laval m’a confié que « tous les sujets ne pouvaient pas être abordés dans un cadre universitaire ». Si je voulais parler de l’islam et de son courant radical, l’islamisme, il fallait que je le fasse selon les standards de la bien-pensance. Il fallait que je présente l’islam comme une grande religion pacifique, tolérante et bienveillante, une religion dont les adeptes seraient victimes de racisme.
Les universitaires ont une grande influence sur la société. Même si l’objectivité totale n’existe pas en sciences sociales, leurs opinions sont perçues comme « scientifiques ». Les journalistes voient les professeurs comme des experts capables de se prononcer sur tout et sur rien. Les modes idéologiques du moment (multiculturalisme, néo-féminisme, écriture inclusive, etc.) naissent dans des départements qui se disent neutres mais qui sont devenus de véritables centres de propagande.
La bonne parole rémunérée
Le problème n’est bien sûr pas que les professeurs puissent avoir des opinions et les exprimer; le problème réside dans l’absence ou presque de diversité intellectuelle dans les universités. Si les chercheurs et professeurs peuvent avoir des avis contraires sur une foule de sujets secondaires, personne ne peut remettre en cause le divin vivre-ensemble. Il n’est pas interdit de le faire, mais les plus audacieux en connaissent déjà les conséquences.
Le contrôle de la pensée s’exerce de différentes façons dans les universités canadiennes. Premièrement, la dynamique collégiale, voire moutonnière du système permet de chasser les esprits rebelles. La cooptation par les pairs permet aux universitaires de se maintenir en place tout en écartant les penseurs hérétiques qui osent critiquer l’idéologie dominante. Au Canada, le système universitaire encourage le conformisme et la médiocrité. Deuxièmement, le financement des recherches et l’octroi de bourses aux étudiants est souvent accordé en fonction de critères idéologiques. Résultat : les contribuables paient fréquemment des gens qui se sont donnés pour mission de les rééduquer.