Alexandre Cormier-Denis
Avec le port du kirpan dans les écoles, le niqab aux cérémonies de citoyenneté, les écoles hassidiques subventionnées par l’argent des contribuables et maintenant l’acceptation du hijab comme partie intégrale de l’uniforme de la Royal Canadian Mounted Police, le multiculturalisme canadien prend des allures de farce morbide. On nous apprend d’ailleurs que le SPVM est « ouvert » à l’idée d’incorporer le hijab dans l’uniforme des policiers.
Imposé de force au Québec , le multiculturalisme de l’État canadien continue de détruire la fabrique du lien social. Car au fond, le problème des accommodements religieux est fort simple. Les Québécois, héritiers de la civilisation française – de tradition catholique, donc d’inspiration universaliste – considèrent que les immigrants devraient naturellement adopter les mœurs et embrasser la culture du pays. Accueillis à bras ouverts par une société des plus riches et permissives de tout l’Occident, les immigrants devraient donc, par décence et par simple bon sens, s’assimiler à la culture majoritaire québécoise.
Aujourd’hui Toronto
Demain Montréal
Évidemment, pour une grande partie d’entre eux, il n’en est rien. L’idéologie officielle canadienne – d’inspiration anglo-protestante, donc libérale – encourage les immigrants à demeurer de perpétuels étrangers à la culture québécoise en les suppliant de rester fidèles à leurs cultures d’origine.
Il est d’ailleurs fort révélateur de constater que dans le débat entourant les accommodements religieux, une partie de l’élite progressiste souverainiste partage les mêmes appréhensions à l’endroit de l’assimilation que les plus ardents défenseurs du fédéralisme. Pourtant, personne ne sera surpris de voir de nombreux universitaires rejoindre messieurs Trudeau et Couillard dans leur dénonciation de toute politique assimilationniste. Les intellectuels de gauche parlant de « démocratisation par le bas » et de « forum citoyen » se trouvent bien embêtés lorsque le peuple manifeste son angoisse identitaire en rejetant massivement le modèle multiculti. Pour expliquer leur isolement, nous connaissons leur réponse : « c’est un faux débat, les médias populistes (comprendre ici Québecor) font mousser une crise imaginaire. »
Évidemment, lorsque les élites ne sont pas contentes du sens que prennent les débats démocratiques, elles accusent leurs opposants d’êtres démagogiques.
Trump – Mussolini – Drainville : Même combat!
La démagogie prend ici le nom de la démocratie lorsque les élites intellectuelles ne savent plus comment articuler les malaises sociaux. Malheureusement, les intellectuels souverainistes et « progressistes », s’alignant sur les élites fédéralistes canadiennes, ont oublié que la lutte pour l’Indépendance du Québec ne peut se défaire d’une critique radicale de la tolérance multiculturaliste. Dans une logique faisant des individus libérés par le marché l’épicentre de tout projet politique, les Québécois ne sont plus un peuple uni par l’histoire, le territoire ou la langue, mais bien de simples consommateurs d’identités protégés par la Charte des droits.
Selon ces intellectuels, l’identité « choisie » des individus ne saurait être déterminée par des sensibilités culturelles communes ou des règles institutionnelles. Il faudrait laisser libre cours à toutes les manifestations de la différence, elle-même choisie par des individus libres et rationnels.
Ne vous en faites pas, ces enfants ont choisi le fondamentalisme hassidique
Ce racisme institutionnel qu’est le multiculturalisme, fruit d’une rhétorique de tolérance à l’endroit des fameuses minorités culturelles, est majoritairement rejeté par la population québécoise.
En créant des régimes de « tolérance de l’autre », impliquant fondamentalement une négation du concept d’égalité devant la loi, le multiculturalisme canadien crée le racisme qu’il croit combattre. Car pour qu’il y ait tolérance, il faut un tolérant et un toléré, impliquant fondamentalement une hiérarchisation entre le « nous », tolérant et libéral, et le « eux », empêtrés dans des cultures sympathiques car enfantines, dont nous devons tolérer les expressions les plus exotiques; le hijab, le kirpan, la kippa, le turban sikh, voire même le tchador, etc. Pour l’histoire, rappelons que la tolérance multiculturelle, pratiquée principalement dans les pays anglo-saxons, est le corollaire contemporain de la politique coloniale de l’indirect rule britannique qui voyait les minorités de l’Empire tolérées dans leurs différences culturelles tandis que les choses sérieuses étaient décidées à Londres.
« Tolérons ces peuplades colonisées près de nous, mais donnons-leur leurs propres institutions afin de ne pas trop se mélanger à eux ». Ensemble oui, mais séparés tout de même. Les vieux réflexes colonialistes britanniques sont difficiles à enterrer; le multiculturalisme est une politique qui met la société majoritaire « au-dessus » du culturel et de l’histoire, elle la place dans le parachèvement de la longue évolution de la civilisation libérale. C’est bien dans le paradigme de la Fin de l’Histoire que se projettent les multiculturalistes. Paradigme dont l’achèvement suprême serait la reconnaissance de la supériorité culturelle indéniable du modèle libéral émanant du monde anglo-saxon.
Le meilleur exemple des dérives de cet indirect rule du XXIe siècle réside dans la fondation d’une école afrocentriste de Toronto, où les défenseurs des minorités opprimées ont défendu la mise en place d’une institution promouvant la ségrégation raciale sous couvert de « tolérance » envers l’Autre afin de préserver sa différence culturelle.
La ségrégation raciale? Une avancée progressiste comme une autre
Les errements idéologiques des multiculturalistes sont tels que ces derniers en viennent à exalter exactement ce que les mouvements d’émancipation des minorités combattaient il y a seulement quelques décennies. Un projet d’école pour les enfants appartenant aux minorités sexuelles est actuellement discuté en Ontario. Quand aurons-nous des écoles sinocentristes, arabocentristes, latinocentristes et pourquoi pas, « pour Blancs seulement », toutes financées par le gouvernement de l’Ontario?
La ségrégation qu’implique le multiculturalisme a pour effet de détruire la fabrique nationale et de projeter le Québec dans un modèle de société que la majorité du peuple rejette. Devant l’impossibilité de réformer la Constitution canadienne, la seule solution demeure la souveraineté du Québec. En attendant la mise en place de notre État souverain, il est fondamental d’imposer une réduction massive de l’immigration afin d’endiguer temporairement l’effondrement national. Sans un changement radical de politique migratoire, la fragmentation sociale s’accélérera et le sentiment national s’effondrera davantage.
Seuls le courage de nos convictions et la lucidité politique peuvent nous sortir de l’immobilisme actuel dans lequel nous ont enfermés nos adversaires.