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Fraudes massives dans le système d’immigration des étudiants étrangers

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Alors que la dernière réforme en immigration avortée visait à combler les besoins du marché du travail, Radio-Canada a appris que l’objectif était aussi de répondre à de forts soupçons de fraudes, qui ont conduit à une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). « L’intégrité » du système d’immigration économique du Québec serait menacée, selon le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

Au cours des dernières années, de supposés « documents faux ou trompeurs » ont été répertoriés par le MIFI. Ce dernier a évoqué ces allégations dans des rapports et notes qui ont été déposés dans le cadre d’une affaire judiciaire concernant le ministère de l’Immigration.

Ces fameux « documents » mis de l’avant sont en réalité des attestations qui permettaient à des étudiants étrangers de postuler au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), qu’a voulu récemment réformer le ministre Simon Jolin-Barrette.

Elles servaient à prouver leur connaissance avancée du français, une des conditions nécessaires pour bénéficier de cette voie rapide vers l’immigration permanente.

Concrètement, des centaines de personnes, au minimum, ont affirmé connaître la langue française, par l’intermédiaire d’un cours suivi au Québec. Mais selon le ministère de l’Immigration, la réalité était tout autre.

Le ministre Jolin-Barrette, qui s’est entretenu avec Radio-Canada sur ce sujet, reconnaît officiellement une « situation problématique » qui menace « l’intégrité » de ce programme. Il promet « d’agir » dans les prochaines semaines.

Des signalements dès 2016

Il faut remonter à 2016 pour trouver la trace des premiers soupçons.

Des fonctionnaires du ministère de l’Immigration, en contact téléphonique avec des candidats au PEQ pour des questions administratives, s’aperçoivent que leur interlocuteur, dans certains cas, ne parle pas, ou peu, français.

Les doutes augmentent sensiblement avec la réception d’informations provenant des forces de l’ordre.

Dès septembre 2016, l’UPAC prévient le MIFI et décide d’ouvrir une enquête. Des « dénonciations » et des « signalements » arrivent alors aux oreilles ministérielles.

[Le ministère de l’Immigration a été informé] par une source externe fiable du fait de l’existence de stratagèmes frauduleux impliquant des institutions d’enseignement et qui mettent en doute l’authenticité des compétences acquises par les candidats à l’immigration qui ont fréquenté ces institutions.Extrait d’une note interne du MIFI datée du 5 octobre 2016

Ces différents éléments sont également mentionnés dans un mémoire du ministre Jolin-Barrette, présenté au Conseil des ministres le 17 septembre dernier, qu’a pu consulter Radio-Canada. Dans ce texte, le député de Borduas y évoque l’ensemble des mesures d’immigration qu’il compte officialiser quelques semaines plus tard.

Sept candidats interrogés sur dix parlent peu français

À la suite de ces avertissements policiers, dans le but de « s’assurer de l’intégrité du PEQ », le MIFI a convoqué 1301 personnes en entrevue entre le 22 novembre 2016 et le 8 mai 2019, afin de « vérifier le niveau de compétence en français en production orale ». Résultat : « Plus de 68 % des candidats rencontrés n’ont pas démontré le niveau de compétences en français à l’oral requis au PEQ et n’ont donc pas été sélectionnés », selon ce rapport du ministre Jolin-Barrette.

Des Chinois et des Indiens visés

Selon des notes internes produites par le ministère de l’Immigration, la « majorité » des étudiants étrangers n’ayant pas le niveau requis en français, malgré une attestation disant pourtant le contraire, proviennent de Chine et d’Inde. Plusieurs sources confidentielles ont rapporté ces mêmes allégations.

Après avoir vu leur dossier refusé, une cinquantaine de ressortissants étrangers ont contesté cette décision devant les tribunaux. Ils ont notamment dénoncé le procédé utilisé par le gouvernement, qui les aurait convoqués sans les informer d’un test oral de français à venir. Habituellement, aucune entrevue n’est prévue dans le cadre du PEQ.

Pour justifier ces pratiques, une responsable du ministère, qui occupait le poste de coordonnatrice du PEQ, a mis de l’avant les soupçons policiers. Son témoignage figure dans les documents déposés dans cette procédure judiciaire.

« L’UPAC nous a dit : « Il y a des voies de contournement, il y a probablement de la fraude dans vos dossiers » », a-t-elle déclaré, dans le cadre d’un interrogatoire réalisé à la fin de 2017.

Au dire de cette employée du MIFI, une première série d’entrevues a démontré à la fin de 2016 que « 95 % » des candidats « n’avaient pas le niveau demandé ». Un interprète français-mandarin-cantonais a même été requis à plusieurs reprises, est-il précisé dans une autre note présentée devant la justice.

Lorsqu’on a entamé les entrevues, c’était sur la base de préoccupations qui nous avaient été données par l’UPAC. […] On pouvait considérer que les candidats qu’on avait rencontrés dans le cadre des entrevues […] avaient fait une fausse déclaration dans leur demande en sachant qu’il existait des voies de contournement.Extrait de l’interrogatoire d’une responsable du MIFI, le 27 novembre 2017

Dans un jugement publié en décembre 2018, la Cour supérieure a finalement tranché en faveur des plaignants, en expliquant notamment que « le procédé utilisé par le ministère » ne serait pas adéquat en fonction des règles en vigueur.

Le MIFI a porté cette décision en appel et aucun autre jugement n’a encore été rendu.

L’enquête de l’UPAC toujours en cours

Plusieurs sources ont indiqué n’avoir eu aucune nouvelle de l’avancée de l’enquête menée par l’UPAC. Celle-ci se poursuit, explique l’organisation policière. L’UPAC refuse néanmoins de donner davantage d’informations, « afin de protéger la preuve et les personnes qui peuvent être concernées par cette enquête », mentionne la porte-parole Lissia de Bellefeuille.

Chaque année, le Québec accueille plusieurs milliers de candidats par le biais du Programme de l’expérience québécoise. Pour postuler à ce programme, ces personnes doivent avoir étudié ou travaillé dans la province.

Des établissements anglophones cités

Des agents frontaliers, au poste canado-américain de Saint-Bernard-de-Lacolle, ont eux aussi averti le MIFI, après s’être retrouvés face à des candidats à l’immigration ne parlant pas français.

Selon l’interrogatoire de cette responsable du MIFI, des « voyages organisés » ont même été menés à cette frontière pour faire « le tour du poteau ». Cette pratique consiste à sortir du territoire canadien, avant d’y rentrer immédiatement, afin de valider un nouveau visa.

Les agents des services frontaliers doivent poser des questions aux candidats avant de leur délivrer un document, et ils pouvaient constater à ce moment-là que les candidats ne parlaient pas français, n’étaient pas en mesure de répondre à des questions de base en français. Extrait de l’interrogatoire d’une responsable du MIFI, le 27 novembre 2017.

>>> La suite de l’article de Romain Schué.

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Un commentaire

  1. Et ils veulent faciliter la venue d’étudiants étrangers ici.

    N’est-ce pas un peu paternaliste à quelque part de leur faire accroire qu’ici c’est bien mieux que dans leur pays pour étudier ou pour travailler; bref on sous-entend qu’ici au Québec c’est mieux pour tout.

    Imaginez… on peut même mourir dans la dignité au Québec… on est à l’avant-garde de la civilisation aucun doute.

    Tout ça nous donne l’impression que le Québec est décadent et que les élites dirigeantes sont particulièrement touchées par cette décadence.

    Sortons nos chapelets et mettons-nous à la prière.

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