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Justin Trudeau a refusé de dire mercredi, au moment de déclencher la campagne électorale fédérale, si un nouveau gouvernement libéral s’impliquerait dans la contestation judiciaire de la loi québécoise sur la laïcité de l’État.
Le premier ministre sortant et chef du Parti libéral du Canada (PLC) s’est engagé à ne pas prendre part « pour l’instant » à la contestation de la loi 21, mais il n’a pas clairement écarté l’idée de le faire s’il était élu pour un second mandat.
Adoptée sous bâillon par les élus de l’Assemblée nationale en juin dernier, la loi 21 interdit notamment le port de signes religieux à certains employés de l’État lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, dont les policiers, les procureurs de la Couronne et les gardiens de prison, ainsi qu’aux enseignants des écoles publiques du primaire et du secondaire.
Je suis tout à fait en désaccord avec la loi 21, a réitéré Justin Trudeau. Je ne trouve pas que dans une société libre, on doit légitimer ou permettre la discrimination contre les citoyens sur la base de leur religion ou autre.
J’ai toujours été extrêmement clair : je pense qu’il n’y a pas un Québécois qui ne sait pas que je suis en désaccord avec la loi 21.
Justin Trudeau, chef du Parti libéral
La Cour d’appel du Québec a accepté le 1er août dernier de se pencher sur la demande d’injonction déposée par un regroupement qui réclame la suspension partielle de la Loi sur la laïcité de l’État.
Le regroupement, qui comprend le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) et Ichrak Nourel Hak, une étudiante en enseignement portant le hidjab, avait subi un revers en Cour supérieure du Québec à la mi-juillet.
Je suis très content que les Québécois eux-mêmes soient en train de contester la loi en cour, [qu’ils] soient en train de défendre la Charte canadienne des droits et libertés, a fait savoir le chef libéral.
Nous suivons de près tout ce qui se fait, a-t-il ajouté. Nous surveillons attentivement ce processus. Mais ma décision, pour l’instant, c’est que ce serait contre-productif, à ce stade-ci, de s’immiscer dans le processus légal.
Jongler entre valeurs canadiennes et identité québécoise
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’a pas hésité à défendre la loi non seulement au sens de la souveraineté de l’Assemblée nationale, mais en soulignant également les affinités idéologiques de son parti avec ladite loi. Au Bloc, on est dans une zone de confort avec la loi 21, a-t-il fait savoir, attaquant du même souffle la position intrusive de Justin Trudeau.
« Le premier ministre du Canada a sans équivoque laissé comprendre qu’au besoin, l’argent des Québécois va être utilisé pour lutter et rendre inopérante une loi adoptée en toute légitimité et largement consensuelle au Québec. C’est inacceptable. Les Québécois ont droit à leurs valeurs, à leurs priorités, à leur identité. »
Le chef souverainiste a également décoché une flèche à l’endroit de son adversaire conservateur. « La position d’Andrew Scheer n’est pas crédible. Il vient dire au Québec, en français, ce qu’il pense que les Québécois ont envie d’entendre et, après ça, il retourne dans l’Ouest, où est sa base électorale», a dénoncé M. Blanchet.
Amené à se positionner sur le sujet, Andrew Scheer a joué de prudence en ne voulant pas s’ingérer dans les affaires du Québec. « Nous n’avons aucunement l’intention d’intervenir dans le processus judiciaire. Les élus de Québec ont pris une décision claire », a-t-il affirmé en point de presse. Il a toutefois manifesté son désaccord sur le fond. « Ma position est déjà connue. Notre parti défendra toujours la liberté d’expression et la liberté de religion. »
Jagmeet Singh, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), a pour sa part dénoncé le caractère litigieux de la loi. « Dans ma propre vie, j’ai vécu la même chose; j’ai rencontré des gens qui m’ont dit que je ne pourrais pas devenir quelqu’un à cause de mon identité », a-t-il illustré, avant de saisir l’occasion pour se faire l’allié des Québécois en parlant notamment de la langue française comme d’une grande richesse dans sa vie.
Je veux être un allié pour le Québec, a-t-il assuré. « Je veux défendre la langue française. On peut promouvoir l’identité québécoise sans diviser la population. J’espère que ma présence au Québec peut montrer le chemin à suivre. »
François Legault réplique
En fin de journée, mercredi, le premier ministre du Québec, François Legault, a demandé aux chefs de partis fédéraux de s’engager à ne pas participer à la contestation judiciaire de la loi 21.